• (+MAJ importante à 06:07 le 24/2024/04)

     

     

    La jeunesse étudiante US Résistante

    et solidaire de la Palestine!

     

    Biden et les médias occidentaux reprennent en chœur

    l'antienne de "l'antisémitisme"

    pour tenter de sauver la face d'Israël!

     

     

     

     

     

     

     

     

     A Gaza la population recherche ses martyrs

    dans les fosses communes remplies

    par l'armée israélienne depuis des semaines

     

     

     

     

     

    Des Gazaouis racontent l’assaut israélien de l’hôpital Al-Shifa : « Si on sortait, on était tués »

     

    mardi 23 avril 2024

    https://assawra.blogspot.com/2024/04/des-gazaouis-racontent-lassaut.html

    23 avril 2024

    Assawra

     

    Maha Souilem, avec la blouse d’ambulancier de son mari disparu, à l’hôpital Al-Shifa, dans la ville de Gaza, après le retrait des forces israéliennes, le 8 avril 2024. DAWOUD ABU ALKAS/REUTERS

     

     

     

    Le plus grand hôpital de la bande de Gaza a été entièrement détruit par une attaque israélienne et par les combats autour du centre hospitalier. Trois semaines plus tard, les Palestiniens continuent d’exhumer des corps. 

    Tous les jours depuis trois semaines, Maha Souilem, une infirmière de 38 ans, se mêle aux habitants et aux secouristes qui fouillent les talus de sable dans la cour de l’hôpital Al-Shifa, au cœur de la ville de Gaza, et dans les ruines alentour. La silhouette déchirée du bâtiment principal, troué par les explosions et carbonisé, se détache dans le ciel printanier bleu azur. Maha cherche son mari. 

    Après quatorze jours de siège, l’armée israélienne s’est retirée de la zone le 1er avril, laissant derrière elle un paysage de dévastation et l’odeur âcre des corps en décomposition. Les Palestiniens n’en finissent pas d’exhumer des cadavres : la défense civile a indiqué au média américain NPR en avoir trouvé 381 dans et autour d’Al-Shifa. Environ 160 corps seraient encore sous les décombres des immeubles du quartier, selon les secouristes. 

    Un lieu de mort 

    Un millier d’immeubles auraient été incendiés ou endommagés aux alentours, selon le Hamas, une évaluation reprise par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). L’assaut de l’hôpital est la plus importante opération de l’armée israélienne menée dans l’enclave, depuis le début de la guerre déclenchée après l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023. Al-Shifa, qui signifie « la guérison » en arabe, est devenu un lieu de mort. Le plus grand hôpital de la bande de Gaza est aujourd’hui entièrement détruit. A distance et sur place avec l’aide d’un collaborateur, Le Monde a recueilli des témoignages de Palestiniens qui ont vécu l’assaut. La presse internationale est toujours interdite d’accès dans l’enclave par les autorités israéliennes. 

    Dans la cour, deux fosses communes ont été découvertes – trente cadavres en tout, certains dans un état de décomposition avancée. Douze seulement ont été identifiées ; des proches ont reconnu ici une chaussure, là un lambeau de vêtement. La semaine dernière, l’un des collègues de Maha, qui pensait que son fils avait été arrêté, l’a finalement retrouvé parmi les corps. « J’en ai été sidérée », dit l’infirmière. Depuis que leur maison avait été bombardée, elle vivait avec son époux, ambulancier, et leurs deux filles de 2 et 6 ans, dans l’hôpital Al-Shifa. Le couple s’oubliait dans le travail. « Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, au service de notre peuple. » 

    Le 18 mars, l’attaque israélienne les a surpris, au milieu de la nuit. L’hôpital s’est mis à résonner de « coups de feu et explosions d’une intensité inouïe ». « Ils ont fait exploser la salle à côté de nous », raconte Maha. Un haut-parleur a annoncé le siège de l’établissement. « Tout le monde doit se rendre. Personne ne sort, les portails sont fermés », a répété une voix sans visage. Patients, médecins, déplacés, se cognaient dans la cohue. Ceux qui s’approchaient des fenêtres se faisaient tirer dessus. 

    Quand les militaires israéliens sont enfin apparus, ils ont d’abord évacué les femmes déplacées, puis le personnel de santé. Il ne faut pas s’inquiéter, leur ont-ils assuré. Sur la cinquantaine de soignants qui étaient avec elle, 35 ont été arrêtés. « C’est à ce moment-là que mon mari a disparu. Ils l’ont embarqué, l’ont déshabillé, dit Maha, la voix tremblante. Je ne sais rien de lui, s’il a été détenu, exécuté, s’il est enterré… Je ne sais pas où il est. » Parmi les quinze membres du personnel restés avec elle, les soldats « en ont fait sortir quatre ». « Ils les ont laissés s’éloigner, et on a entendu des coups de feu », se souvient-elle. 

    Arrêté et violemment battu 

    Ses collègues ont retrouvé la trace deux d’entre eux à l’hôpital Al-Ahli. Pour les deux autres, personne ne sait. Le directeur du centre d’urgence sanitaire d’Al-Shifa, Moatassem Saleh, a indiqué au Monde avoir perdu la trace de quarante-deux soignants. Au moins quatre membres du personnel de l’hôpital ont été tués, parmi eux, le chirurgien plastique Ahmed Al-Maqdameh. La mère de ce dernier, Yousra, médecin, a également été retrouvée morte. 

    Taha Marzouq, qui travaillait dans le département de radiologie au moment de l’assaut, a plusieurs fois pensé qu’il allait y mourir. « Le 18 mars est le pire jour de ma vie. C’était la première fois que je voyais des chars, des Jeep, des soldats israéliens », se souvient-il. Le soignant, âgé de 33 ans, est arrêté, détenu deux jours, en sous-vêtements, les yeux bandés. Il dit avoir été violemment battu par les soldats israéliens et les avoir vus frapper des patients. Il goûte un semblant de joie quand les militaires lui retirent ses entraves ; il va quitter l’hôpital – l’enfer. « Là, explique-t-il, je suis sorti. J’ai alors vu des cadavres qui gisaient sur le sol. Parmi eux, il y avait le corps de mon collègue, le docteur Mohammed Al-Nounou. J’étais dévasté. » 

    L’armée israélienne avait déjà mené une large attaque contre l’hôpital Al-Shifa, en novembre 2023. Depuis, l’établissement n’était plus que partiellement opérationnel. Les militaires accusent le Hamas d’y avoir installé une base militaire – ce que nie le mouvement islamiste. L’armée a diffusé, début avril des images d’un tunnel, de « grandes quantités » d’armes saisies, ainsi que d’importantes sommes en liquide ou des documents retraçant des réunions du mouvement islamiste palestinien au sein d’Al-Shifa, autour de questions de gestion et de paie de militants. 

    Du 18 mars au 1er avril, les forces israéliennes et les combattants palestiniens se sont affrontés, dans et autour de l’hôpital. Les militaires revendiquent avoir tué 200 hommes armés gazaouis, dont des cadres du Hamas et du Jihad islamique, et en avoir arrêté 500 autres. Aux questions précises du Monde concernant les morts de civils, les forces israéliennes ont renvoyé au communiqué publié après leur retrait, le 1er avril. Il y est affirmé que le combat a été « engagé en évitant de blesser le personnel médical et les patients ». L’armée assure avoir mené une « opération précise ». Aucun des soignants ayant témoigné n’a été pris dans des échanges de tirs entre Palestiniens et Israéliens. Les soldats ont en outre montré des images de ravitaillement de l’hôpital et des équipes préparant des lits pour les malades ; les soignants affirment pourtant avoir eu faim et ne pas avoir reçu les médicaments nécessaires. L’ONU n’a pas été autorisée à apporter de l’aide. 

    L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recensé 21 patients morts faute de soins, lors de l’opération militaire. Le 5 avril, après six tentatives infructueuses, l’ONU a pu faire parvenir une mission dans l’hôpital ; l’équipe a « vu au moins cinq corps partiellement recouverts sur le sol, exposés à la chaleur. La sauvegarde de la dignité, même dans la mort, est un acte d’humanité indispensable », rapportait un communiqué de l’OMS. Un employé de l’OCHA raconte avoir dû, avec ses collègues, ramasser des « corps sur le bord de la route ». 

    Des corps déchiquetés 

    En étudiant une partie des dépouilles mortelles retrouvées, le ministère de la santé a identifié une large part de patients, certains corps arborant encore des bandages ou des cathéters, rapporte M. Saleh. « Des traces de blessure par balle étaient visibles sur certains cadavres, uniquement vêtus de leurs sous-vêtements », poursuit-il, suggérant de possibles exécutions sommaires. D’autres corps, enfin, ont été retrouvés déchiquetés, plusieurs morceaux éparpillés – certains probablement en partie dévorés par les chiens ou profanés par les lames des bulldozers qui ont labouré la cour d’Al-Shifa. 

    Trois semaines après l’attaque, Amira Al-Safadi se réveille souvent avec l’impression d’être « encore là-bas ». « J’entends les voix des soldats, le bruit des chars, des missiles, des explosions », raconte-t-elle. Cette femme, médecin volontaire de 26 ans, se souvient avoir eu faim et surtout très soif. Ils étaient assiégés. Vers la fin du siège, dit-elle : « Seize patients sont morts. Pendant quatre jours, on a dû dormir avec les corps : l’armée ne nous a pas laissés les sortir ni les enterrer. » Le quotidien est gouverné par l’incertitude et la peur : l’hôpital est plongé dans le noir, les soldats changent les instructions, il faut transporter les patients d’un département à l’autre et, à chaque déplacement, se faire fouiller. « Tous ceux qui bougeaient ou avançaient [sans en avoir reçu l’ordre] se faisaient tirer dessus », se rappelle la docteure Al-Safadi. Elle accuse les soldats de s’être servis de certains soignants « comme de boucliers humains ». « Ils demandaient aux infirmiers de rentrer dans certains endroits et de fouiller, tandis qu’ils restaient derrière eux », poursuit-elle. 

    Autour de l’hôpital, les habitants racontent les mêmes scènes de siège, d’une rare brutalité. La plupart étaient déjà des déplacés : leur maison avait été bombardée, et ils s’étaient installés non loin d’Al-Shifa, se croyant protégés. La femme de Mohammed Abou Sidou, enseignant de 31 ans, venait d’accoucher, elle avait dû subir une opération. Leur fils avait 5 jours quand l’armée a attaqué. La jeune mère s’est mise à saigner abondamment. Le bâtiment où ils vivaient a été partiellement détruit par des tirs d’artillerie – eux n’ont été que légèrement blessés par des éclats de verre. Tout autour, la plupart des immeubles ont été détruits ou incendiés. Les maisons se sont effondrées sur leurs occupants. Les équipes de la défense civile n’ont pas assez d’équipements pour retrouver les corps prisonniers des gravats. 

    « J’entendais les cris » 

    « J’ai vu que la maison de mon voisin était en flammes, et je n’ai pas pu ouvrir la fenêtre ni intervenir, raconte M. Sidou, qui demeure hanté par ces images. Les gens blessés mouraient dans la rue, et je ne pouvais pas descendre, ne serait-ce que sur le seuil de la maison. J’entendais les cris des femmes, des enfants, des voisins. Si on sortait, on était tués à notre tour, même ceux qui se tenaient juste à leur fenêtre. » 

    Saadia Abou Elnada se souvient surtout du bruit des explosions et des tirs incessants, si proches. Elle habite dans la rue principale, en face de l’hôpital Al-Shifa. Avec son mari, ses enfants et ses petits-enfants, ils se sont retrouvés à dix, terrés dans une pièce. « On mettait des couvertures et des cartons aux fenêtres, de peur que, voyant de la lumière, [les soldats] se mettent à tirer, raconte la mère de famille au visage émacié et anxieux. Ils tiraient au hasard. On étouffait avec l’odeur des explosions et des incendies tout autour. » La famille survit en faisait bouillir de l’eau salée et en mangeant du zaatar, un mélange d’épices. Cela fait longtemps qu’il n’y a plus de pain. Depuis l’assaut, les enfants mouillent leur lit la nuit. « Ils crient, pleurent, ont peur d’aller aux toilettes, se désole-t-elle. On est tous extrêmement abattus. » 

    Elle s’interrompt soudain, se corrige : « On dit les “environs d’Al-Shifa”, mais il n’y a plus d’Al-Shifa ni de quartier autour. » En dévastant ce district, en plein cœur de la ville de Gaza, l’armée israélienne a réduit à néant cette institution opérant depuis 1946 : un hôpital de 750 lits, où naissaient plus de 2 000 enfants chaque mois, avant le 7 octobre. Al-Shifa était le cœur du système de santé gazaoui, qui, visé par des attaques israéliennes, s’est effondré depuis des mois. Des générations de médecins s’étaient formées dans cet hôpital universitaire. Sa destruction oblitère encore un peu plus le futur de Gaza. 

     

    Par Clothilde Mraffko
    Le Monde du 22 avril 2024

     

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     Comme à l'époque du Vietnam,

    sur les campus US, comme à Gaza,

    le combat pour la libération du peuple palestinien continue!

     

     

     

     

     

     

     Sur la Palestine, voir aussi:

     

    http://cieldefrance.eklablog.com/free-palestine-le-dernier-cri-d-aaron-bushnell-soldat-de-l-us-air-forc-a215459725 

     

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    A Jéricho, briser le mur du génocide, ça commence Rue Aaron Bushnell!

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    https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f9/Self-immolation_of_Thich_Quang_Duc_and_Aaron_Bushnell_cartoon_by_Latuff_%282024%29.jpg

     

     

    https://substackcdn.com/image/fetch/f_auto,q_auto:good,fl_progressive:steep/https%3A%2F%2Fsubstack-post-media.s3.amazonaws.com%2Fpublic%2Fimages%2Fd1d024a7-5621-4553-b838-888dd462d4be_800x800.jpeg

     

    https://pbs.twimg.com/media/EZ_klpVUwA0zzVe.jpg

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    21 ans après sa mort, reportage en direct depuis la Rue Rachel Corrie, à Téhéran!

    http://cieldefrance.eklablog.com/21-ans-apres-sa-mort-reportage-en-direct-depuis-la-rue-rachel-corrie-a-a215553181

     

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    De l'Île St Denis à Nabi Saleh : Solidarité avec la Résistance villageoise palestinienne!

    http://cieldefrance.eklablog.com/de-l-ile-st-denis-a-nabi-saleh-solidarite-avec-la-resistance-villageoi-a214979305

     

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    https://i.guim.co.uk/img/media/6e079b75e4319784417bd6571e5b2be70485c27e/0_192_5760_3456/master/5760.jpg?width=1900&dpr=1&s=none

     

     

    Source de la compilation:

     

    http://cieldefrance.eklablog.com/la-jeunesse-etudiante-us-resistante-et-solidaire-de-la-palestine-a215719733

     

     

     

    https://www.arabnews.com/sites/default/files/pictures/March/20/2024/arron_bushnell_died.jpeg

     

     

     

     


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     Si en cette fin avril le climat a bien du mal à se "réchauffer", le bleu du ciel entre les nuages peut tout de même commencer à faire rêver...

     

    Néanmoins, le "prix du rêve" n'est pas le même pour tout le monde...

     

    Le paradoxe étant que si vous avez les moyens de dépenser sans trop compter, vous aurez aussi les moyens "d'économiser" aux dépens de la collectivité, sans pour autant "rogner" sur votre luxe, bien au contraire...

     

     

     

     

     

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    Le Yachting, pour M. Drahi, un « sport » de loisir

                   ...très loin des soucis fiscaux et du droit social…

     

     Par Clara Monnoyeur , Moran Kerinec

    Patrick Drahi était jusqu’en 2022 propriétaire d’un superyacht acheté presque 32 millions d’euros. Même quand il est question de son budget vacances, l’homme d'affaires met en place des montages pour éviter les impôts et autres droits sociaux.

    Que faire lorsqu’on est milliardaire et que l’on possède déjà plusieurs résidences à travers la planète – chalets en Suisse, villa aux Caraïbes et appartement géant à New-York ? À la tête du groupe Altice (SFR, BFM…) et 13ème fortune de France, Patrick Drahi s’est d’abord offert son jet privé, comme il se doit. Après avoir conquis les airs, il a voulu la mer. Il a donc investi dans un superyacht.

    Mais jouir d’un yacht revient à jeter l’argent par le hublot : équipages, assurances, carburant, entretien, etc…, tout se facture et l’addition gonfle vite. Problème : l’homme aime autant les opérations juteuses que les économies. Heureusement, le patron de SFR est un fin navigateur fiscal. Un art dans lequel il excelle comme l’ont documenté les révélations des DrahiLeaks.

    Un luxe essentiel

    Patrick Drahi a usé de toutes les astuces pour réduire les coûts de son somptueux yacht, conservé pendant une petite décennie, de 2013 à 2022. Originellement appelé Quinta Essentia – traduction latine du « 5e élément » –, le bateau géant a été rebaptisé quand il l’a racheté en 2013.

    Cette fois classé dans la catégorie des superyachts, le Quite Essential est un palace flottant. Il porte bien son nom : « tout à fait indispensable » en français. En réalité, il a bien plus que le nécessaire. Ses 55 mètres de long peuvent accueillir jusqu’à 12 passagers et 13 membres d’équipage. À bord, rien n’est trop beau pour se prélasser : sauna, hammam, salle de massage, salle de gym, un jacuzzi sur le pont, une piscine avec une cascade à la poupe… Six salons et deux salles à manger desservies par un ascenseur en verre accueillent dignement les invités. Et les cinq salles de bains disposent toutes d’un sol chauffant en onyx. Indispensable pour éviter d’attraper froid aux pieds en sortant de la douche.

     

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/yacht1.png

    Crédits : DR.

     

    Modelé sur mesure par les chantiers hollandais Heesen pour l’oligarque russe Valentin Zavadnikov, le yacht a été mis à l’eau en mars 2011. Malgré quelques voyages fastueux, le joujou luxueux perd les faveurs de l’homme d’affaires slave, qui le met en vente pour 100 millions de dollars en octobre 2011. Patrick Drahi l’achète finalement 31,850 millions d’euros avec Armando Pereira, son ami et fidèle bras droit récemment mis en cause par la justice portugaise pour malversations.

    Exigence et propreté

    Dans ces fourchettes de prix, les ultra-riches ont bien souvent – en plus d’un cadre somptueux – les services de tout un personnel dévoué, payé à anticiper chaque besoin. À bord du Quite Essential, le propriétaire d’Altice disposait de ses propres masseuses, d’un chef cuisinier et de femmes de chambre. De quoi adoucir encore l’air marin et se détendre. Enfin, presque : si Patrick Drahi aime que son personnel soit aux petits soins, par exemple pour se faire masser les pieds ou le corps, il déteste être dérangé par ses domestiques. Pour l’éviter, des manuels de bonnes conduites décrivent les habitudes des membres de la famille, leurs préférences et surtout les erreurs à ne pas commettre sur le bateau.

    Le ménage et le rangement sont des priorités pour « Mr D » – les initiales réservées au maître dans ces fiches. L’indispensable document rappelle :

    « Mr D et sa famille sont très exigeants sur la façon dont les choses fonctionnent et sont disposées sur le bateau. »

    Il faut par exemple des fleurs fraîches dans les salles de bain qui ne bénéficient pas de la lumière du jour, mais des orchidées pour celles avec lumière naturelle. Et attention : interdiction de toucher à la trousse de toilette bleue que « Mr D » possède depuis plus 20 ans, « car il n’aime pas chercher ses affaires ». Mieux vaut le savoir. Cette autre recommandation, également :

    « Attention n’abusez pas de l’attention ou de tout type de service direct […] concentrez-vous sur le bien-être de la famille ou des amis. »

    Tout doit être propre, tout le temps. « Mr D était dans l’armée donc il connaît le nettoyage. Il est très important de s’assurer que le bateau est bien nettoyé tous les matins. Il voit tout et remarque tout », résume son manuel de bord. Il voit tout mais ne veut surtout pas voir celles qui font le travail : « Il n’aime pas voir les filles faire le ménage dans les cabines », est-on prévenu. La mission est claire pour les préposées : rester discrètes et attendre les heures de repas ou les excursions pour nettoyer derrière « Mr D ». Sinon, les membres de la famille « se sentent mal à l’aise lorsqu’ils entrent et qu’il y a une fille dans la cabine ». On les comprend.

    Un yacht au paradis fiscal

    Tout ce luxe a un prix. En 2019, Quite Essential a englouti la bagatelle de 2,68 millions d’euros environ. Heureusement, pour profiter de vacances optimisées, le patron d’Altice connaît les astuces qui réduisent ses charges. Sur le papier, Patrick Drahi n’était en réalité pas le propriétaire direct du navire. Celui-ci appartenait à QE Yachting Limited, société domiciliée en 2013 dans le paradis fiscal de Guernesey, puis à Malte en 2017, où elle était gérée par le cabinet TCV Management and Trust Services Limited.

    Ce nouveau mouillage n’est pas un hasard. L’île méditerranéenne est réputée pour sa fiscalité très avantageuse pour les yachts. Ce montage, qui a permis au tycoon des télécoms de régenter la vie à bord du Quite Essential sans en être officiellement propriétaire, a été orchestré par Luxembourg Marine Service. Spécialiste du yachting, la société se vante de fournir « un support de qualité tout en optimisant les dépenses ».

     

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/yacht2.png

    Crédits : DR.

     

    Avec Patrick Drahi, sa famille et ses amis, le Quite Essential a quasi exclusivement navigué en Méditerranée. Pourtant, l’occupant en chef a choisi d’enregistrer le yacht aux îles Caïmans. Ce stratagème – l’immatriculation aux Caraïbes – a permis au navire d’échapper à l’impôt. Ce qu’on sait moins, c’est que le recours à ce qu’on qualifie communément de pavillon de complaisance permet aussi, puisqu’on s’enregistre dans des pays aux lois fiscales mais aussi sociales plus souples que celles des eaux territoriales où le bien est exploité, de contourner le droit du travail.

    Des travailleurs à moindre coût

    Alors que Patrick Drahi prenait son petit déjeuner matinal au soleil – composé d’un jus de carotte frais, d’un café latte et de deux tranches de brioche – en lisant son journal, son personnel s’activait sûrement depuis plusieurs heures dans l’ombre. Pendant sa baignade de fin de matinée, il fallait préparer des amuse-bouches pour prévenir sa sortie de l’eau – c’est connu, ça creuse. Et toujours penser à lui proposer un verre de pastis pour l’apéro. Avec cet avertissement inscrit dans la bible de bord :

    « Ne le faites pas trop fort, il vous le renvoie si c’est le cas. »

    Pourtant, si le patron d’Altice aime avoir autour de lui tout un personnel sur le qui-vive, il tient aussi à réduire « les coûts » induits par ce déploiement à son service. Pour Corine Archambaud, secrétaire nationale de l’Union fédérale maritime CFDT, spécialiste des yachts et inspectrice de la Fédération internationale des ouvriers du transport (l’ITF), le montage alambiqué qui formalisait les obligations déclaratives du bateau favorise clairement une « dérégulation sociale ».

    L’examen des contrats de travail du Quite Essential le prouve. Les salaires ? Formalisés sous la forme de forfaits, ils ne sont pas indexés sur le nombre d’heures travaillées. Le temps de travail ? Pas de limite hebdomadaire, l’équipage pouvant enchaîner jusqu’à 14 heures consécutives. Les heures supplémentaires ? Elles ne sont donc pas mieux rémunérées, de même que les week-ends travaillés. Les préavis de licenciement ? Réduits au minimum, à sept jours. L’indemnité de licenciement ? Pas prévue par les contrats de travail…

    Les DrahiLeaks révèlent que pour prévenir les accidents de travail, le personnel navigant du Quite Essential était couverts par une assurance privée : en cas de handicap permanent consécutif à accident à bord, elle leur assurait une prise en charge jusqu’à 300% du salaire annuel. Une couverture nettement moins protectrice en réalité que celle garantie aux travailleurs en France par l’État. « Si vous finissez en fauteuil roulant, vous n’êtes plus pris en charge au bout de trois ans », pointe Corine Archambaud. Elle précise :

    « Alors qu’en France, vous avez une pension. »

    Ce n’est pas tout. Sur les contrats, les cotisations sociales relèvent de la responsabilité des employés. « Vous êtes tenu de respecter vos propres obligations fiscales et de sécurité sociale ou similaire dans la juridiction où ces obligations peuvent survenir », relève la syndicaliste. Une manière efficace de rogner sur les retraites, le chômage et la sécurité sociale de l’équipage, constate Corine Archambaud :

    « Ce devrait être l’employeur qui paie les contributions sociales. Le pavillon de complaisance sert ici à l’exempter. »

    Après expertise, le jugement de l’inspectrice est sévère :

    « Ils sont au ras des pâquerettes sur la convention du travail maritime international de 2006. C’est le minimum décent avant l’esclavage. »

    Location et pollution

    Ce rabotage en règle des droits sociaux de ses employés n’a pas empêché Patrick Drahi de savourer le temps passé sur son yacht. Entre 2013 et 2019, il l’a ainsi réservé et utilisé en son nom propre sur près d’une centaine de jours. Presque autant que son bras droit Armand Peirera, l’homme soupçonné de corruption, blanchiment d’argent et fraude fiscale par la justice portugaise.

    Le reste du temps, le milliardaire mettait régulièrement son bateau à la location, équipage compris. De 2013 à 2019, Quite Essential a reçu des hommes d’affaires russes, hongrois, indien, israéliens, un multimillionnaire norvégien, un prince saoudien, un ancien ambassadeur qatari en France, un prince allemand… À des tarifs variés : de 88.334 euros pour deux jours à un champion de racing chinois, à 1.060.000 euros les 28 jours pour un joueur de foot espagnol. En 2017, la location d’une semaine à bord était estimée à 295.000 euros. Selon nos calculs, l’ensemble de ces prestations ont été facturées plus de 13 millions d’euros.

    Le palace flottant du fondateur d’Altice se révèle également être une machine à polluer : selon l’analyse du collectif écologiste YachtCO²Tracker, ses deux moteurs MTU 20V 4000 M93L consomment chacun environ 1.103 litres de gasoil par heure. Pour un « simple » aller-retour entre La Ciotat et Monaco, les ports où le bateau était respectivement mis en maintenance et exploité, l’empreinte carbone est démesurée : environ 72 tonnes de CO², brûlant 27.000 litres de gasoil. En un voyage, Patrick Drahi consommait ainsi neuf fois plus de CO2 que la moyenne d’un Français sur un an. (1)

    Pour autant, ce va-et-vient le long de la côte française est une goutte d’eau comparée aux croisières en charter du Quite Essential. Rien qu’en 2020, le yacht a navigué d’Ajaccio (2A) à l’Albanie en juin, et sillonné à plusieurs reprises toute la côte italienne – ralliant par exemple Gênes à Palerme, en Sicile, d’un bord à l’autre de la botte.

    Dans un article du Monde de 2022, Grégory Salle, auteur de « Superyachts. Luxe, calme et écocide », rappelait que la flotte des 300 plus gros superyachts en activité émettait à elle seule près de 285.000 tonnes de dioxyde de carbone. Autant, voire plus, que tout un pays. Les yachts sont aussi responsables de la destruction des fonds marins, comme l’a dénoncé le magazine Géo.

    Ces constats inquiètent d’autant plus que les ventes sont en hausse, comme l’a constaté Basta dans un article de 2022. Sur une trentaine d’années (2), le nombre de navires de luxe en exploitation a été multiplié par cinq : 5.325 unités étaient recensées début août 2021, contre 966 en 1988, selon le média indépendant.

    Après Drahi

    En 2019, Patrick Drahi n’a plus la tête à naviguer, soudainement. Il souhaite revendre son jouet et missionne pour s’en séparer un spécialiste du marché. L’agence Fraser lui fournit la totale : publicités dans les magazines et sites spécialisés du yachting, visites 360°, photoshoot du vaisseau, vidéo… Mais la vente s’avère difficile. La valeur de son bien s’est érodée. Des 100 millions de dollars en 2011, son estimation a chuté à 33 millions en 2017.

    « Cela me fait de la peine de voir un bateau non-utilisé », pleurniche Drahi dans un échange mail avec le courtier missionné. Un client prometteur s’est désisté d’une offre à 22,3 millions. « QE est en sélection finale pour un client turc, mais pas de visite planifiée à ce jour », lui écrit le vendeur le 9 octobre 2020, pour tenter de le rassurer. La réponse est sèche :

    « Oubliez, ils parlent mais n’ont pas un kopeck les Turcs. »

     

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/yacht3.png

    Crédits : DR.

     

    Pour sortir de l’impasse, son conseiller lui suggère de baisser son prix – entre 23,5 et 25 millions. Résigné, Patrick Drahi approuve et tacle. « Ok pour le mettre à 25m€, pour le contrat on renouvellera fin décembre pour 12 mois mais ce serait bien que vous ayez des offres, 15 mois sans offre ce n’est pas fantastique. » Par chance, le poisson finit par mordre : un protocole d’accord de vente est finalement conclu en 2021 avec Kompass Kapital Holding. Prix du rachat, finalisé l’année suivante ? 21 millions d’euros.

    Depuis qu’il s’est séparé de son yacht, l’ex-maître de bord n’a pas eu le loisir de penser au bon temps passé sur les flots. Il a d’autres chats à fouetter suite à l’affaire Pereira, qui a déclenché la tempête – notamment l’ouverture en France d’une enquête judiciaire au Parquet national financier (le PNF).

    Pendant ce temps, sur une mer calme, le Quite Essential vogue sous un nouveau nom. Il s’appelle désormais After you : « Après toi », dans la langue de Shakespeare.

    (1) L’estimation du niveau moyen de l’empreinte individuelle annuelle des Français serait d’environ 8 tonnes CO2eq, pour l’année 2022.

    (2) Édit le 5 avril 2024 : Sur une trentaine d’années et non en 13 ans comme écrit précédemment, le nombre de navires de luxe en exploitation a été multiplié par cinq.

    Contacté, Patrick Drahi n’a pas répondu à nos sollicitations.

     

     Source de la compilation :

     

    http://cieldefrance.eklablog.com/yachting-vs-galere-une-critique-des-ultra-riches-jalousie-ou-bien-simp-a215718721 

     

    Et maintenant il s'appelle "After you"... Après vous...
    Après lui, vogue la galère...
     

     

     

     

     

     

     

     

     


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     (Au 23/04/2024, MAJ suite du débat Luniterre/Dugois, sur Agoravox)

     

     

     

    Sur Agoravox, voir également la republication de:

    Monnaie, Crédit, Dette: quelques éléments du débat sur Agoravox

     

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    à la suite de:

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    •  


    • LuniterreLuniterre 21 avril 17:16 
       

      Bonjour M. Dugois,

       

       

      Juste une ou deux petites questions sur deux sujets, liés dans votre propos, et qui semblent vous préoccuper de manière omniprésente dans vos écrits :

       

      Celle qui me paraît la plus essentielle porte sur votre rejet du principe « les crédits font les dépôts ». Ce principe est désormais celui qui régit de manière tout à fait officielle (*) la gestion monétaire de la BDF, qui le tient donc, hiérarchie oblige, de la BCE, et qui a donc force de loi en droit européen, et à ce titre ne peut être contesté qu’à titre d’option idéologique, ce qui semble donc être votre cas, bien que vous vous défendiez, me semble-t-il, par ailleurs, de toute idéologie…

       

      Pourquoi pas, mais cela interroge donc sur l’origine temporelle de cette systématisation, dans la mesure où vous souhaitez donc en revenir au principe inverse, « les dépôts font les crédits ».

       

      En effet depuis quand faut-il donc considérer que cette « bonne pratique », selon vous, a réellement cessé, et à quel type de développement économique faut-il donc en revenir, selon l’époque où cela est survenu ?

       

      Je viens de passer plusieurs heures à rechercher, entre autres, concernant ce thème d’histoire économique, sans parvenir à une conclusion précise :

       

      _ Paul Jorion fait remonter la définition de ce principe à Schumpeter, soit vers la fin des années 40.

      _ JM Daniel fixe ce changement essentiellement à la fin des accords de Bretton Woods, au début des années 70, donc.

      _ D’autres, mais sans références précises, font allusion au fait que cette pratique aurait déjà été à l’origine de l’essor de la révolution industrielle.

      _ D’autres citent des exemples connus, pour leurs faillites célèbres, au XVIIIème et même au XVIIème siècle.

       

      Mais l’histoire, de toute façon, retient essentiellement ce genre d’évènement, sans s’étendre sur les pratiques courantes quand elles ne causent pas « d’incidents »… Je pense ici à la « Haute Banque » du XIXème siècle, dont il semble difficile de préciser les pratiques à ce sujet.

       

      Quel est donc votre avis sur ce « tournant » sociétal et économique effectivement déterminant, et quelles sont les sources qui déterminent votre avis ?

       

      Luniterre

      (* l_eco-en-bref_qui-cree-la-monnaie.pdf (banque-france.fr)

      https://abc-economie.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/l_eco-en-bref_qui-cree-la-monnaie.pdf )

       
       
       


      • Marc DugoisMarc Dugois 21 avril 18:18 

        @Luniterre

        C’est en effet un sujet essentiel que l’on ne peut aborder sérieusement qu’en ayant franchi l’obstacle de l’origine de la force de la monnaie que trop peu de gens voient comme l’énergie quelle est.

        La vraie difficulté est d’accueillir que seule l’énergie humaine est source de l’énergie monétaire. Il y a une violence extraordinaire chez beaucoup à refuser que la monnaie soit une énergie. Elle n’est pour la plupart qu’un symbole, une marchandise ou une institution et sa force vient de Dieu sait où. Sans la réflexion sur l’origine physique de la force de la monnaie on ne peut avancer sur votre question. Tout le monde s’accorde à accepter que l’électricité soit une énergie vecteur d’énergies fossile, atomique, solaire, gravitationnelle ou éolienne mais peu de gens acceptent que la monnaie soit une énergie vecteur d’énergie humaine.

        Ce n’est qu’à partir du 15 août 1971, quand Nixon a déconnecté le dollar de l’or qui véhiculait l’énergie humaine qu’il avait fallu dépenser pour l’obtenir, que toutes les monnaies liées au dollar par les accords de Bretton Woods, se sont retrouvées sans lien avec une richesse réelle véhiculant une énergie humaine indispensable.

        Une fois accepté ce que je considère comme une évidence, la réponse à votre question coule de source. Quand les dépôts créaient les crédits, il fallait d’abord en dépensant son énergie, se procurer la richesse donc l’argent et les crédits n’existaient pratiquement que sur gages. Depuis que l’argent est déconnecté d’une richesse reconnue, les banques créent une monnaie qui ne vaut objectivement rien puisque aucune énergie humaine ne l’a encore nourrie, mais que l’on valorise par souvenir inconscient et collectif de la valeur de la monnaie or. Très peu de gens ont réalisé que nous avons change de monde et que les dépôts venant des crédits ne sont nourris que par une énergie humaine à trouver demain par n’importe quel moyen et sans contrepartie puisque la contrepartie a été consommée avant l’origine de sa force. C’est un retour de l’esclavage et les folles batailles actuelles du commerce international ne sont là que pour savoir qui va être esclaves.

        Provisoirement les gens croient que la monnaie scripturale a une valeur à cause de l’histoire des monnaies, alors qu’elle n’en a aucune et qu’elle représente 90% de la monnaie en circulation. Ce provisoire ne peut durer. La hausse des prix commence à rogner la valeur de la monnaie en attendant qu’on se mette d’accord par la guerre sur qui sera esclave. La vraie monnaie est limitée par les efforts humains passés. La fausse monnaie actuelle illimitée nous fait réinventer l’esclavage sans le dire encore et explique le goufre qu’il y a entre dirigeants de plus en plus incompétents et peuples. Tout le reste n’est qu’habillage, incompétence, mauvaise foi et surtout peur.

         
         


      • Francis, agnotologueFrancis, agnotologue 21 avril 18:51 

        @Luniterre
         
        ’’Quand une banque commerciale accorde un crédit
        à un particulier ou à une entreprise par exemple, le
        montant du crédit octroyé est inscrit sur le compte
        en banque du client : la monnaie a été créée.’’
        — >
         il manque à cet extrait de l’explication (cf. votre lien) la précision importante suivante :
         
        Le montant du crédit accordé est Quand une banque commerciale accorde un crédit
        à un particulier ou à une entreprise par exemple, le montant du crédit octroyé est inscrit sur le compte en banque du client, à la fois au crédit et au débit.
         
        Le client a donc de l’argent à disposition l’argent que lui a donné la banque, mais a aussi une dette elle. Dette qu’il devra rembourser selon un échéancier consensuel prévu par les parties.

         
         
         


      • LuniterreLuniterre 22 avril 00:23 

        @Marc Dugois

         Dans votre réponse, comme d’une manière générale dans vos textes, vous établissez donc un rapport historique direct entre la fin des accords de Bretton Woods et l’inversion de la création monétaire par les banques dans le sens « les crédits font les dépôts ».

         

        Incontestablement, je partage avec vous le constat que la fin des accords de Bretton Woods est un tournant historique dans l’histoire économique du monde.

         

        Pour autant ce système de création monétaire, s’il a à nouveau été quelque peu modifié à cette occasion, et effectivement rendu quasi hégémonique, avec des garanties de plus en plus limitées, en apparence du moins, a, pour l’essentiel de l’activité économique, toujours existé aux USA, où le système des réserves fractionnaires a commencé à être réglementé, sous diverses formes, depuis la première moitié du XIXème siècle déjà.

         

        En France le système des réserves obligatoires n’apparaît officiellement qu’en 1967, mais c’est donc déjà plusieurs années avant la fin des accords de Bretton Woods, d’un part, et le fait que la nécessité d’une régulation se manifeste, d’autre part, atteste donc surtout de la préexistence d’une pratique non réglementée, et n’indique pas spécialement la durée d’antériorité de cette pratique, possiblement, et même, probablement, très ancienne, à titre au moins partiel, sinon donc généralisée, dans les années 60, au point de rendre nécessaire cette régulation impérative.

         

        Cela pourrait donc nous ramener au « mystère » des pratiques de la « Haute Banque », fraction dominante du capitalisme au XIXème siècle en France, et qui a présidé au développement de la révolution industrielle dans notre pays.

         

        Mais il ne semble pas que beaucoup de traces en aient subsisté…

         

        D’autre part vous semblez absolument tenir à associer la notion de valeur de la monnaie à l’énergie humaine, et tout à fait à la façon de Marx, donc et pourquoi pas, également. Pour Marx la notion de valeur est plus spécifiquement liée à la notion de travail productif, directement intégré, au cours du processus productif, à la marchandise, ou, éventuellement, au service créé.

         

        Néanmoins, avec le développement du machinisme et déjà les débuts de l’automatisation de la production, même avec la technologie reposant sur l’énergie à vapeur de son temps, Marx distinguait la valeur d’usage de la force de travail de la valeur d’usage du capital fixe, déjà le fruit d’un cycle précédent de la production.

         

        Or depuis plus d’un siècle et demi déjà, avec les progrès de l’automatisation, et aujourd’hui, de la robotisation, le nombre exponentiel de cycles productifs, des machines produisant d’autres machines, jusqu’au produit de consommation finale, et la réduction drastique de la main d’œuvre industrielle productive font que l’essentiel de la marchandise produite n’est pratiquement plus, en termes de valeur, que la reproduction de la valeur d’usage du capital fixe investi, c’est-à-dire précisément, in fine, de la dette.

         

        Et donc, en revenir à un système ou la valeur de la monnaie est strictement étalonnée sur l’énergie humaine dépensée dans le travail productif, même avec une conception « élargie » de celui-ci, c’est en revenir, peu ou prou, à un stade de développement économique préindustriel, ou au mieux, équivalent aux tout débuts de la période industrielle.

         

        Evidemment, cela peut avoir son charme, mais sera sans aucun doute très difficile à assumer pour la plupart de nos contemporains !

         

        Luniterre

         
         


      • LuniterreLuniterre 22 avril 00:59 

        @Francis, agnotologue

        Observation sensée, et même simplement logique !

        Ce qui est étrange, là encore, c’est qu’on ne la trouve pas reprécisée dans un tel doc sur le sujet, alors qu’il provient de la BDF-BCE, et c’est même pour ce caractère « officiel » que je l’ai donc cité ici !

        Luniterre

         
         


      • Francis, agnotologueFrancis, agnotologue 22 avril 09:54 

        @Luniterre
         
        Le fait que personne quasiment ne réagisse à ces erreurs ou lacunes dans des documents et les discours d’autorité me donne à penser que les propriétaires officiels de la parole peuvent raconter n’importe quoi. Et ils ne s’en privent pas.
         
        « Vous ne réalisez pas à quel point il est difficile d’exposer la vérité dans un monde rempli de gens qui ne sont pas conscients de vivre dans le mensonge » Edward Snowden
         

         Lire : Gouvernance et médiocratie

         Devenez tous agnotologues : ouvrez les yeux.

         
        _________________________________________________________________________________________
         
      • Marc DugoisMarc Dugois 22 avril 11:43 

        @Luniterre

        « D’autre part vous semblez absolument tenir à associer la notion de valeur de la monnaie à l’énergie humaine »

        Oui c’est pour moi la seule source possible de la force de la monnaie qui est une énergie évidente dont la source reste la plupart du temps inconnue.

        Quant à toutes les machines, elles sont intéressantes parce que l’énergie humaine contenue dans ce qu’il a fallu dépenser pour la construire et la mettre en marche, est multipliée par ce que fait dorénavant la machine. MAIS la machine n’a un intérêt macroéconomique que si l’énergie humaine remplacée avantageusement par la machine, est utilisée ailleurs dans l’intérêt du groupe. Si le travailleur intelligemment remplacé par la machine, devient chômeur ou gaspille son énergie en ne faisant que du jogging ou des grosses colères, la machine qui l’a remplacé est intéressante pour son propriétaire mais pas pour la collectivité.

         
         
         


      • LuniterreLuniterre 22 avril 13:13 

        @Marc Dugois

        En somme, vous résumez assez bien le problème, et pour l’essentiel je partage assez votre analyse, avec néanmoins un regard très critique à l’égard du manque de logique dans la définition de ce que peut être une « chaîne de valeur », dans l’économie moderne, et qui aboutit donc à la finalisation de la valeur commerciale des biens et des services.

         

        « Chaîne de valeur », qui, que ça nous plaise ou non, amène une définition du prix de toutes choses reflétant peu ou prou leur « valeur » dans la société actuelle, même si avec quelques distorsions notables, mais secondaires dans le présent débat.

         

        Du point de vue de la logique économique la plus élémentaire il est donc nécessaire et incontournable que la quantité de monnaie en circulation soit au moins suffisante pour que la majorité des citoyens, et en principe même, absolument tous, aient de quoi se payer les biens essentiels à une vie sociale décente dans le contexte moderne.

         

        Dans la mesure ou la valeur réelle de ces biens reflète à la fois l’investissement en main d’œuvre (énergie humaine), et en capital fixe (ici, pour simplifier : machinerie plus ou moins robotisée), il y a donc bien une sorte de « dualité » dans la fonction monétaire, qui ne peut plus, et peut-être malheureusement en un sens, se réduire à la seule énergie humaine.

         

        Donc poser une sorte de « principe moral » selon lequel l’énergie humaine serait « la seule source possible de la force de la monnaie », cela nous ramène bel et bien, en toute logique, à un stade de développement économique qui doit absolument se passer de l’essentiel du progrès technologique moderne, fondé sur le cycle de renouvellement du capital fixe, pour en revenir, par voie de conséquence, à une société artisanale type « amish » !

         

        Maintenant, on peut aussi suivre logiquement une autre partie de votre raisonnement, qui parle de « l’intérêt du groupe » pour l’utilisation des machines, et de leur intérêt « pour la collectivité », il faut donc, dans cette optique et pour ne pas sombrer dans le biais « amish », même s’il peut avoir son « charme désuet » (pour le moins !), aller logiquement jusqu’à proposer la collectivisation de l’usage des machines, c’est-à-dire des moyens de production, in fine.

         

        Ce qui semble nous ramener à la question d’une forme moderne de socialisme, pour appeler un chat un chat…

         

        Néanmoins « moderne » au sens précisément où le cycle de renouvellement du capital fixe est aujourd’hui complètement différent de ce qu’il était à l’époque de Marx, ou même, de l’URSS.

         

        Ceci-dit, Marx, dix ans avant même la publication du Capital, avait déjà envisagé et étudié le principe de cette perspective, comme aboutissement de la société industrielle, dans ses Grundrisse, qui sont à la base son œuvre, d’où leur nom.

         

        Ce qui nous reste de son œuvre est donc tout à fait inachevé, même avec les efforts d’Engels pour compléter ses « brouillons ». Même aux USA nombre d’économistes s’intéressent donc aux Grundrisse, précisément pour comprendre l’évolution de la société industrielle en voie de robotisation…

         

        Luniterre

         

        Cinq différences essentielles entre l’époque de Marx et la nôtre (Nouvelle édition)

         

        http://cieldefrance.eklablog.com/cinq-differences-essentielles-entre-l-epoque-de-marx-et-la-notre-nouve-a215228819 

        ******************************************

         
         


      • LuniterreLuniterre 22 avril 16:30 

        @Marc Dugois

        Dans mon précédent post, auquel vous n’avez pas encore répondu, je montre donc que selon la logique il y a bien une contradiction interne dans votre propos, et que si l’on vous suit, à part le statu quo, que vous semblez assez justement rejeter, il n’y a que deux alternatives, selon votre propre logique, donc :

         

        Soit une forme de capitalisme primitif artisanal et/ou genre « amish », soit une forme moderne de « socialisme » par la maîtrise collective du cycle de renouvellement du capital fixe.

         

        Si le monde moderne, en l’état actuel, est dominé, et même, carrément écrasé par la dette, ce n’est pas essentiellement parce que des obsédés du déficit nous gouvernent, mais simplement par le fait que le cycle du capital réellement productif de plus-value, celui qui met en jeu « l’énergie humaine » que vous tenez tant, et là aussi, justement, à « valoriser », à plus d’un titre, n’est plus en mesure d’assurer le cycle de renouvellement du capital fixe, du simple fait même de la disproportion croissante entre les deux.

         

        C’est là l’origine économique systémique de la dette et donc du nouveau pouvoir des Banques Centrales, seules en mesure de contrôler ce phénomène « Quoi qu’il en coûte ! », comme dirait l’autre, sous-gauleiter de la BCE en France….

         

        Reprendre le pouvoir sur l’usage de nos vies, ce n’est donc pas une nouvelle tournée du cirque électoral dont les numéros nous sont rejoués ad nauseam depuis un demi-siècle, mais bien reprendre le contrôle démocratique de l’emploi du crédit, quel qu’en soit la forme, pourvu qu’il soit dirigé vers les investissements réellement socialement nécessaires, dans tous les domaines. Les emplois correspondants créés, en éradiquant le chômage, amèneront logiquement un nouvel équilibre entre production et consommation, et donc, à terme, un nouvel équilibre budgétaire, également, avec une maîtrise réellement basée sur l’indépendance nationale !

         

        Luniterre

         
         

     

    ****************************************

     

    Au 23/04/2024, suite du débat Dugois/Luniterre,

    sur Agoravox:

     

     





    • Marc DugoisMarc Dugois 23 avril 06:56 

      @Luniterre

      "Du point de vue de la logique économique la plus élémentaire il est donc nécessaire et incontournable que la quantité de monnaie en circulation soit au moins suffisante pour que la majorité des citoyens, et en principe même, absolument tous, aient de quoi se payer les biens essentiels à une vie sociale décente dans le contexte moderne".

      Vous touchez là à l’essentiel en choisissant l’idéologie au lieu de la réalité. Tant que vous n’intégrerez pas que la monnaie n’est qu’un prélèvement étatique de la richesse nationale, c’est-à-dire d’une énergie humaine passée déjà bien dépensée, vous ferez comme nos dirigeants et vous inventerez de la fausse monnaie pour dormir tranquille en ne réalisant pas que vous choisissez la guerre.

      La guéguerre entre le capital et le travail n’a pour moi aucun sens. Pour moi l’argent est de l’énergie humaine déjà bien utilisée (une richesse comme l’or) et stockée dans la monnaie quand le travail est l’énergie humaine du présent. Tout l’intérêt de la monnaie est qu’elle est limitée au prélèvement qu’a fait l’État sur la richesse nationale qui n’est que le regard que porte un peuple sur lui-même. Cette limitation force dans une société normale à faire des choix drastiques entre prélever plus ou dépenser moins. Cela s’appelle la politique et se fait soit directement par le peuple soit par ses représentants. Aujourd’hui ni les représentants ni le peuple ne veulent voir le problème et s’en évadent comme vous êtes tenté de le faire.

      Si vous voulez, comme en effet malheureusement presque tout le monde, que "la quantité de monnaie en circulation soit au moins suffisante pour que la majorité des citoyens, et en principe même, absolument tous, aient de quoi se payer les biens essentiels à une vie sociale décente dans le contexte moderne", vous décidez que les problèmes doivent être réglés par la ruse aujourd’hui et par la guerre demain matin. Et vous restez incapable de dire de quelle énergie viendrait la force de la monnaie.

       
       


    • LuniterreLuniterre 23 avril 10:36 

      @Marc Dugois

      Vous m’imputez de faire dans l’idéologie, mais vous répétez vous-même votre crédo, « pour moi la monnaie, c’est de l’énergie humaine », quasiment ad nauseam sur la seule base que c’est précisément votre croyance et que vous restez dans l’incapacité de la démontrer, notamment en ce qui concerne l’expansion du capital fixe, comme j’ai pris la peine de vous l’expliquer.

      Vous parlez de « réalité », mais vous affirmez : « la monnaie n’est qu’un prélèvement étatique de la richesse nationale », au mépris le plus complet de l’évidence actuelle que précisément l’Etat national français, comme la plupart des autres Etats occidentaux aujourd’hui, n’a absolument plus la moindre maîtrise de la monnaie, dévolue depuis longtemps aux Banques Centrales, et qui n’ont même plus, dans le cas des pays européens, aucune base nationale réelle, sauf l’antenne locale BDF avec un gauleiter délégué par la BCE.

      Vous prétendez vous abstraire d’idéologie en déclarant : « La guéguerre entre le capital et le travail n’a pour moi aucun sens », sous entendant par là, du moins on peut logiquement le supposer, que c’est donc un préjugé que vous me prêtez, alors que précisément je n’ai nulle part fait allusion à une quelconque « guéguerre entre le capital et le travail » dans aucun de mes posts, ni ailleurs non plus du reste, depuis que j’ai commencé à analyser et à comprendre vraiment la mutation banco-centraliste actuelle, ce qui prouve que vous n’avez pas fait de recherche sérieuse sur ce que j’écris par ailleurs, alors que personnellement j’ai pris le temps d’étudier les principaux axes de vos « analyses » sur votre blog personnel en lien, http://www.surlasociete.com/ 

      C’est donc bien vous qui faites dans l’idéologie en supposant, vu que je me réfère à une lecture des Grundrisse de Marx, ce qui vous fait éventuellement « voir rouge » à plus d’un titre, que vous devez donc répéter les stéréotypes pseudo-« marxistes » sur la guerre capital/travail… Alors que la période actuelle est précisément celle de la fin de la prépondérance du capital productif, en train de perdre inexorablement sa domination face à celle du banco-centralisme :

       

       Richard Werner, « père spirituel » du Quantitative Easing et « apprenti sorcier » du banco-centralisme

      http://cieldefrance.eklablog.com/richard-werner-pere-spirituel-du-quantitative-easing-et-apprenti-sorci-a215699895

       

      Dans ce nouveau contexte, essentiellement depuis la crise de 2007-2008, la lutte « capital/travail » a évidemment perdu l’essentiel de sa signification, et pour cause…

      Comme l’explique également Richard Werner, c’est désormais le banco-centralisme qui est en train d’imposer son hégémonie, y compris sur ce qui survit encore du capital productif.

       

      Est-ce qu’une lutte, « de classe » ou autrement, est possible contre cette nouvelle hégémonie, franchement, je n’en sais rien, tant elle semble s’étendre partout sans résistance suffisamment conséquente et caractérisée dans ses objectifs.

      Mais c’est le monde (vous et moi sommes exactement de la même génération, semble-t-il) dans lequel vivent mes enfants et maintenant mes petits-enfants, et cela ne me réjouit pas.

      Enfin, simplement constater que dans une société où la production et la consommation sont en correspondance il parait logique que :

      "la quantité de monnaie en circulation soit au moins suffisante pour que la majorité des citoyens, et en principe même, absolument tous, aient de quoi se payer les biens essentiels à une vie sociale décente dans le contexte moderne"

      C’est encore simplement de la logique élémentaire et absolument en rien une « ruse » !

      Evidemment, cela implique des choix, et éventuellement, même, des choix « drastiques », en fonction des priorités, des possibilités et des nécessités, mais de tels choix ne sont possibles que dans le cas et dans le cadre d’un Etat national qui contrôle la valeur monétaire circulant sur son territoire, ce qui commence donc nécessairement par le contrôle du crédit, et pourquoi pas, de façon démocratique, tant qu’à faire !

      Luniterre

       

     

     *******************************

     

    Source de la compilation:

     

    http://cieldefrance.eklablog.com/monnaie-credit-dette-quelques-elements-du-debat-sur-agoravox-a215715557

     

    Monnaie, Crédit, Dette: quelques éléments du débat sur Agoravox

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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    Gilles Questiaux va-t-il réinventer le fil à couper le beurre "impérialiste"???

    (Suite du débat)

    Après nos quelques réflexions à la suite de la republication, sur VLR, du volet 1 de sa "nouvelle étude" sur le sujet, Gilles Questiaux vient donc de publier la seconde partie de son étude... Comme le 1er épisode, ce 2ème n'est pas forcément non plus dénué de tout intérêt mais manque à nouveau carrément sa cible "théorique", et même de plus loin, encore! Malgré quelques considérations générales intéressantes sur tel ou tel point, le fond consiste à nouveau à escamoter complètement le fond réel du problème de l'évolution banco-centraliste actuelle du système de domination de classe.

    Nous avions donc déjà republié cette seconde partie avec notre réponse complémentaire, mais dans la mesure où le débat semble se prolonger, en voici une nouvelle édition, avec à sa suite le récapitulatif des derniers développements du débat.

    (A la suite, à nouveau le 1er épisode, également, ainsi que notre première réponse, de façon à ce que le lecteur ait une vue générale de ce débat.)

     

     

     

     

    Lien à l'article précédent 1/2 :

     Comment l'Empire perçoit--il le tribut qu'il exige du reste du monde? 

    Nous vivons dans un empire, mais un empire sans empereur, comme l’était l’empire de la République romaine avant Jules César, qui est le modèle politique - inadéquat- qui fut choisi et détourné par les révolutions bourgeoises française et américaine à la fin du XVIIIème siècle. 

    Alors qui commande ? Où gît la « gouvernance » ? Les groupes dirigeants coalisés, disparates ou même antagoniques qui mènent la danse forment une longue liste qu’il est inutile d’énumérer, tout le monde les connaît ! Mais les idées conscientes, les arguments formulés dans les débats contradictoires de la politique-spectacle et les objectifs assumés dans cette couche dirigeante mondiale sont seconds, et secondaires, par rapport aux effets de l’infrastructure économique. 

    L’Empire fonctionne en effet principalement par l’inertie du mode de production, sans que ses "élites" n’aient véritablement besoin de se faire une idée cohérente et cynique de leurs besoins – à l’exception dans une certaine mesure du courant néo-conservateur et belliciste, qui est composé de « marxistes inversés » - des intellectuels conservateurs influencés par le trotskysme, dont ils retournent les concepts dans le sens de l’intérêt du capital. Le monde capitaliste peut donc être gouverné par des gens qui ne le comprennent pas, et qui ne comprennent pas ce qu’ils font véritablement. Ils peuvent continuer à se promener nus, sans que personne ne s'étonne, en parlant du « droit d’Israël à se défendre », de la guerre en Ukraine comme « une invasion russe non-provoquée », et à présenter toutes leurs interventions dans le Sud (à Haïti, pour prendre l’exemple le plus cynique) comme une aide désintéressée et une responsabilité de protéger des populations mal gouvernées ou tyrannisées par des barbares locaux. 

    Il s’agit d’un effet massif de la structure économique du monde globalisé qui peut continuer sur sa lancée un certain temps sans être délibérément dirigé dans ce but, et qui sera remis sur les rails de temps en temps si besoin est par les interventions violentes des groupes dirigeants de l’Empire, toujours au nom des grands principes de la civilisation : démocratie, tolérance, droits de l’homme, droits des femmes, LGTB, etc. Mais en pratique les économies des pays métropolitains sont spécialisées dans les biens immatériels et il peut se passer pas mal de temps avant qu’on réalise ou qu’on ose exprimer que de ces biens, on peut très bien se passer ! 

    Les procédés légaux des ayant-droits de l’Empire pour extraire de la rente du reste du monde, en toute légalité, sont bien connus : il s’agit essentiellement de la perception de revenus intellectuels, par les droits sur les brevets , les droits industriels et les droits artistiques liés eux-mêmes à la diffusion planétaire du modèle de civilisation, et de commissions opaques pour les multiples services artificiellement créés dans la gestion de ces droits – et ces procédés sont renforcés par le racket juridique et les mesures de protection dont jouissent les monopoles anglo-saxons. Faut-il rappeler que droits intellectuels , artistiques, brevets, etc sont des inventions de la bourgeoisie de 1789. Caractéristiques du mode de production capitaliste, ils sont encore acceptés partout bien qu’ils soient en contradiction évidente avec le développement des nouvelles forces productives qui tendent à la mise en commun illimitée et maximale de toutes les informations. Déjà, ils n’étaient pas honorés en URSS, pas plus que les traités secrets et la dette contractées sous l’ancien régime des Romanov, et ils seront abolis à la prochaine révolution digne de ce nom qui aura lieu dans un ou plusieurs grand pays ! 

    On mesure l’importance de cet échange imaginaire en vraie grandeur, par l’effet des sanctions décrétées contre la Russie après la récupération de la Crimée en 2014 et l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022. D’après Alexander Mercouris et Robert Hudson (voir leur débat sur cette question dans cette video en anglais) il n’a pas été du tout celui qui était attendu par ceux qui les ont décidées, à savoir de paralyser ou au moins d’asphyxier peu à peu l’économie de la Russie : en effet, en gelant les avoirs russes, on a provoqué en retour le gel de toutes les rentes dues dans ce pays, par ses entreprises et ses particuliers, sous forme de droits intellectuels ou artistiques, ou de services financiers, ce qui a créé comme par magie – à la grande surprise des responsables de l’économie russe, biberonnés au libéralisme depuis l’époque de la Pérestroïka - un nouveau capital national immédiatement disponible pour l’investissement local, alors que le capital saisi à l'étranger avait de toute manière vocation à y rester et était déjà perdu pour cet emploi, un capital tombant à pic pour lancer les productions de substitution nécessaires pour annuler les effets matériels de ces sanctions. L’Occident, par manque de lucidité sur son propre fonctionnement a donc saisi en quelque sorte son propre tribut, comme il a sanctionné ses propres agents en spoliant les oligarques russes. 

    Parmi ces services dont l’utilité réelle est difficile à estimer mais qui sont certainement surévalués il y a ceux qui sont fournis par la spécialisation financière, les assurances, la thésaurisation et l’accumulation des richesses du monde dans les sièges métropolitains, et de ses trésors matériels (métaux et pierres précieuses, œuvres d'art, collections, etc) et par la bulle immobilière métropolitaine et touristique. La spéculation boursière alimentée par la planche à billets aspire le capital vers le secteur financier. Et ses centres mondiaux (New York et Londres principalement, et leurs extensions offshore). Cette spécialisation permet de procéder comme si de rien n’était et sans même en avoir claire conscience à l’émission continue du papier de la dette indéfiniment croissante de l'Empire. 

    La structure du territoire mondial tel qu’il a été modelé par cinq siècles d’impérialisme joue aussi son rôle dans l’inertie économique favorable à la perpétuation de l’ordre inégal tel qu’il est encore . Il est consolidé par le stockage des chefs-d'œuvres universels dans les musées de l'Occident devant lesquels viennent se recueillir en procession les touristes du monde entier, et par le contrôle du récit historique global, qui produisent une forme d’allégeance automatique, et un complexe d’infériorité plus ou moins apparent ou paradoxal – s’exprimant par un ressentiment improductif - chez les descendants des colonisés. Et aussi par le contrôle d’espaces de villégiature situés parfois dans le Sud mais voués à la recréation des résidents du Nord, qui se développent en paradis fiscaux et financiers. Et enfin par la structure spatiale des réseaux de communication et de transport qui font des territoires de l’Occident des passages et des escales obligées (ainsi parmi les quelques opérateurs du commerce maritime ont trouvera un danois et un français, malgré le peu d'importance du trafic de ces deux pays, et ses assureurs sont anglais). 

    Le tissage de liaisons matérielles et logicielles Sud-Sud ou Est-Sud travaille mécaniquement au déclassement de l’Empire, ainsi que le rattrapage de l’éducation, de la formation technique et de la recherche. La situation de l’Empire qui commence à perdre son élan est désespérée, il commence à le comprendre, et la dernière solution qui est maintenant envisagée pour maintenir le clivage Nord-Sud qui remonte à Christophe Colomb est la guerre directe et la production organisée du chaos en Russie et en Chine, comme cela a été fait au Moyen-Orient et en Afrique, malgré le risque d’annihilation nucléaire de toutes les parties. 

    L’époque que nous vivons, qui peut s’étendre sur une ou deux décennies, est intéressante, mais dangereuse. Dangereuse, mais pleine de promesses pour peu que le prolétariat mondial se réveille et se mette lui aussi à comprendre son enjeu fatidique. Car le capitalisme se développe inévitablement en impérialisme : le capitalisme, fondé en théorie sur la libre initiative de tous les individus dans la poursuite du bonheur, est en pratique réglé par la concurrence de tous les capitalistes pour obtenir le taux de profit maximum, ce qui le conduit inexorablement à développer les stratégies de constitution de rente monopolistique, sous la protection des États qui sont passés peu à peu, tout aussi nécessairement, sous le contrôle de l'oligarchie et de la finance. L'État "veilleur de nuit" des libéraux se transforme au grand dam de l'utopie du vieil Adam Smith en État impérial militariste et mondial, et le socialisme qui en sera la négation mais aussi l'accomplissement et le dépassement, qu'il s'agisse du socialisme d'économie planifiée, ou du socialisme de marché, peu importe, ne pourra pas triompher de cette tendance lourde sans intervention des masses. 

    Le socialisme à l'échelle mondiale sera atteint à l’issue d’une longue marche, décrite dans un long volume, de l’histoire de longue durée. Le but s’approche de nouveau, mais s'il est manqué il est à craindre que les contradictions du capitalisme impérialiste conduisent l'humanité à sa destruction.

    GQ, 13 avril 2024 

       

     

     

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              Capitalisme, impérialisme et/ou banco-centralisme, une suite au débat avec Gilles Questiaux, suite à :

        http://www.reveilcommuniste.fr/2024/04/comment-l-empire-percoit-il-le-tribut-permanent-qu-il-exige-du-reste-du-monde-1/2.html

        et sur VLR : https://mai68.org/spip2/spip.php?article18095

        Selon Gilles Questiaux :

        Réveil Communiste Auteur 13/04/2024 12:41

         

        Avant 1914, les nations impérialistes fonctionnaient en exportant des capitaux, aujourd’hui au contraire ils exportent de la dette. Ils n’en sont pas moins impérialistes pour autant.

         

        Ce à quoi nous avons répondu :

                      Luniterre 17/04/2024 07:29

        A propos de la question de la dette, il y a donc là une "pirouette" qui escamote le fond du problème, tel qu’abordé avec l’épisode 1 de cette brève étude :

        Exporter la dette, c’est encore et toujours de l’impérialisme ??? Oui, en un sens, mais lequel ? Dans son célèbre petit bouquin, Lénine prend précisément le soin de distinguer « l’impérialisme, stade suprême du capitalisme » de l’impérialisme au sens « romain » du terme, qui concerne essentiellement la conquête territoriale. Et la différence, c’est précisément le capitalisme, en tant que mode de production, basé sur l’investissement et l’élargissement des capitaux productif, et non sur la seule extension territoriale, et encore moins, sur la dette !

        Dominer des pays par la dette, c’est effectivement un moyen de prendre le contrôle de leur économie et de leurs ressources, mais dans la mesure où cela participe à l’élargissement de la dette mondiale, publique et privée, et non pas à l’élargissement du capital total « investi », en fait, déjà de la dette, cela ne peut donc plus être appelé « capitalisme » !!!

        Mais il n’est pas complètement faux, donc, de parler d’une forme d’impérialisme banco-centraliste : simplement, il faut absolument éviter la confusion, et en l’état actuel, il est donc plus approprié de parler de « mondialisme banco-centraliste » et/ou « d’hégémonie banco-centraliste », tout en expliquant bien que l’on est encore dans une phase de transition, durant laquelle diverses formes de capitalisme survivent, dont, et fort heureusement, vu le rapport de forces sociales actuel, le capitalisme « national » russe, même si avec ses tares bureaucratiques « héréditaires », en quelque sorte.

        L’hégémonie banco-centraliste ne sera vraiment accomplie qu’avec la généralisation des Monnaies Numériques de Banque Centrales, actuellement en cours d’expérimentation, déjà bien avancée…

        Pour aborder la compréhension de cette « transition » :

        Fini 2023, baptême de 2024 : deux gouttes d’eau ou deux gouttes de sang ? 

        http://cieldefrance.eklablog.com/fini-2023-bapteme-de-2024-deux-gouttes-d-eau-ou-deux-gouttes-de-sang-a215224737 

        Luniterre

         

        A la suite de quoi Gilles Questiaux a cru bon de préciser, en PS rajouté à la suite de son premier article :

        PS l’impérialisme de 2024 ne fonctionne pas de la même manière que celui qui a été décrit par Lénine dans "L’Impérialisme,, stade suprême du capitalisme (1915), il n’exporte plus tellement de capital dans le but de contrôler les matières premières et les marchés, il impose un tribut sous la forme principalement de dettes suraccumulées, d’émission monétaire sans contrepartie matérielle, du prélèvement de la main d’œuvre et de droits sur des marchandises immatérielles, le tout mis en œuvre en dernière analyse par la menace d’intervention militaire.

         

        Ce qui semble bien être une manière de tourner en rond, mais qui nous a permis néanmoins de préciser ceci :

        ***************************************

        Assez d’accord avec ce "post-scriptum" :

        "PS l’impérialisme de 2024 ne fonctionne pas de la même manière que celui qui a été décrit par Lénine dans "L’Impérialisme,, stade suprême du capitalisme (1915), il n’exporte plus tellement de capital dans le but de contrôler les matières premières et les marchés, il impose un tribut sous la forme principalement de dettes suraccumulées, d’émission monétaire sans contrepartie matérielle, du prélèvement de la main d’œuvre et de droits sur des marchandises immatérielles, le tout mis en œuvre en dernière analyse par la menace d’intervention militaire." 

        Il faut donc aller jusqu’au bout du constat et de l’analyse, avec le raisonnement logique qui en découle :

        Lénine nous parlait d’un stade particulier du capitalisme, son stade « suprême », mais qui reposait toujours sur une économie fondamentalement capitaliste, et même, capitaliste par essence, c’est à dire reposant sur l’extraction de la plus-value générée par le travail productif humain, et qui permet donc l’élargissement du capital, et non pas celui de la dette mondiale, publique et privée, comme c’est le cas aujourd’hui, au XXIe siècle.

        « L’impérialisme » tel que résumé dans ce PS ne repose donc pas, pour l’essentiel, sur le capitalisme, mais sur la mise sous tutelle des pays dominés principalement par la dette, et cela, cependant, tout en continuant d’augmenter la dette des puissances dominantes, qui continue de s’élargir, et toujours davantage que le pseudo-« capital » investi, qui s’avère donc lui-même n’être qu’une fraction de cette dette, ainsi que les « profits », si faramineux soient-ils, qui en découlent en apparence, et permettent à la nouvelle classe dominante de vivre dans l’opulence, le luxe, et même, la luxure !

        Tout le système actuel de domination de classe repose donc sur l’élargissement de la dette, et non sur l’élargissement du capital.

        Ce n’est pourtant pas une « pyramide de Ponzi » pour autant, comme on l’a déjà vu, car la dette est absolument garantie, en dernier ressort, par les Banques Centrales, qui y mettent une rallonge dès que nécessaire, selon la logique du « Quoi qu’il en coûte ! ».

        Ce sont les Banques Centrales, donc, qui décident, en dernier ressort, de qui a de l’argent, c’est-à-dire de la monnaie scripturaire créée ex-nihilo, et qui n’en a pas… Le reste n’est que bavardage et emballage idéologique de la salade banco-centraliste.

        Même les plus gros boursicoteurs, comme BlackRock, ne font jamais que jouer avec les jetons que leur distribue la Banque Centrale, et cela est désormais clairement établi par les recherches de l’économiste Richard Werner, lui-même précisément à l’origine du concept de « Quantitative Easing » devenu, à son corps défendant et tout à fait contre l’usage initial auquel il était destiné, « l’arme absolue » des banco-centralistes, tout d’abord au Japon, où il l’avait conçu dans les année 90, puis dans le reste du monde, à partir de la crise de 2007-2008.

        Un tel système, qui ne dépend plus, pour l’essentiel, que des politiques monétaires des Banques Centrales, et que du « bon vouloir » des banquiers centraux à l’égard de tel ou tel groupe ou personnage en « bonnes relations » avec tout ou partie d’un « Conseil des Gouverneurs » uniquement créé, d’une manière ou d’une autre, par simple cooptation et en dehors de toute procédure démocratique permettant le moindre contrôle populaire réel, c’est donc bien ce que l’on doit appeler un système banco-centraliste, et non plus, un système capitaliste, même si le mode de production capitaliste continue encore à survivre, ici et là, et notamment en Russie et dans certains pays du « Sud Global ».

        Si la route du socialisme n’est pas forcément fermée pour autant, elle semble néanmoins et malheureusement rallongée d’autant, et passe, d’abord et avant tout, par une stratégie de front uni contre le banco-centralisme, qui est, en fonction du développement des forces productives les plus modernes, appelé à devenir le système hégémonique de domination de classe, à l’échelle mondiale, comme le montre le développement de la situation conflictuelle mondiale actuelle.

        Luniterre

        Richard Werner, "père spirituel" du Quantitative Easing et "apprenti sorcier" du banco-centralisme

        http://cieldefrance.eklablog.com/richard-werner-pere-spirituel-du-quantitative-easing-et-apprenti-sorci-a215699895

         

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     Le volet 1 de l'étude de Gilles Questiaux, tel que republié sur VLR, et qui avait donc amené une première réflexion en réponse:

     

     

    La pyramide de Ponzi américaine

     

    https://mai68.org/spip2/spip.php?article18095

    mercredi 10 avril 2024,  

     

    PRESENTATION DE LA PUBLICATION SUR VLR:

    Les USA peuvent, depuis que la valeur du dollar a été détachée de celle de l’or en 1971, vivre en déficit permanent et plusieurs fois cumulés (aujourd’hui il atteint 34 000 milliards de dollars), parce que les pays exportateurs leur rendent un tribut direct sous forme d’achat d’obligations, et d’autres papiers financiers américains, qui ne seront jamais remboursés – au su et au vu de tout le monde - et dont les intérêts sont couverts par de nouveaux emprunts. 

     

    Pyramide de Ponzi : Les arnaques pyramidales de type Ponzi sont des escroqueries dans lesquelles les investisseurs sont incités à investir de l’argent en promettant des rendements élevés, mais dans les faits, les rendements sont financés par les fonds apportés par les nouveaux investisseurs, et non par les bénéfices réels de l’entreprise.

    NDLR: à ce sujet voir le post-scriptum à la suite de notre réponse.


     

    Comment l’Empire perçoit-il le tribut permanent qu’il exige du reste du monde ? (1/2)

    ttp://www.reveilcommuniste.fr/2024/04/comment-l-empire-percoit-il-le-tribut-permanent-qu-il-exige-du-reste-du-monde-1/2.html

    10 Avril 2024

    Rédigé par Réveil Communiste

    Masaccio, Florence, le paiement du tribut

     

     

    Comment l’Empire perçoit-il le tribut permanent qu’il exige du reste du monde ? (1/2) 

    Nous vivons avec les Européens et les Nord-Américains dans un Empire, qui perçoit aux dépens de ses alliés et sur le reste du monde un tribut considérable. Mais cette réalité est niée par les intéressés, qui se prétendent tous libres, égaux et fraternels – et même sororaux - et n’apparaît nulle part dans leur description du monde, y compris dans les tableaux des flux économiques. Alors comment l’Empire s’impose-t-il, sans que personne ne semble s’en apercevoir ou rien trouver à redire ?

    Pour commencer, les États-Unis, ou plutôt leurs monopoles privés qui participent au complexe militaro-industriel vendent des armes à leurs alliés, à un prix défiant toute concurrence … par son excès ! Armes qui comme la guerre d’Ukraine l’a révélé, sont fragiles, peu fiables, inutilement sophistiquées, mal testées sur le terrain, et donc largement surfacturées et grevées de commissions. C’est un aspect très important du tribut impérial, mais ce n’est pas le seul ni sans doute le plus important.

    Ensuite, ils protègent par l’instrumentalisation extraterritoriale de leurs tribunaux la situation des capitalistes américains, et visent à briser toute entreprise de taille mondiale montante qu’ils ne contrôlent pas. En ce moment, ce sont les entreprises chinoises qui sont dans la ligne de lire. Ils ont empêché ainsi à tour de rôle la montée au premier plan d’économies concurrentes, ils l’ont fait pour le Japon, l’Allemagne, la France, et aussi de leurs amis Coréens du sud et Taïwanais.

    Mais ce qui est vraiment crucial, c’est que les États-Unis peuvent se procurer tout ce qu’ils veulent sur le marché mondial en échange de dollars, qu’ils leur suffit d’émettre ex-nihilo, et c’est le seul pays qui peut agir ainsi, en exportant sur le reste du monde une partie de l’inflation qui en découle (l’autre partie se manifestant par l’envolée des cours de bourse et de l’immobilier). En ce sens ils peuvent continuer à financer n’importe quelle guerre, tant que leurs dollars sont acceptés comme moyen de paiement partout sans perdre leur valeur malgré leur abondance (l’interpénétration des firmes transnationales des deux cotés de l’océan et la similitude des coûts de production lie l’euro au destin du dollar et lui permet de participer aux bénéfices provisoires cette création monétaire illimitée).

    Ils peuvent ainsi, depuis que la valeur du dollar a été détachée de celle de l’or en 1971, vivre en déficit permanent et plusieurs fois cumulés (aujourd’hui il atteint 34 000 milliards de dollars), parce que les pays exportateurs leur rendent un tribut direct sous forme d’achat d’obligations, et d’autres papiers financiers américains, qui ne seront jamais remboursés – au su et au vu de tout le monde - et dont les intérêts sont couverts par de nouveaux emprunts.

    Un considérable tribut en nature est fourni en outre à l’Amérique du Nord et à L’Europe par l’émigration des cerveaux et de la force de travail originaire du Sud. Prélèvement direct et gratuit sur ses ressources humaines du Sud qui permet essentiellement au monde riche de payer le travail de ses salariés en dessous de sa valeur, le coût du renouvellement des cohortes de travailleurs étant externalisé dans le reste de monde. C’est de loin la forme majeure du pillage du Tiers Monde à l’heure actuelle. Indépendamment des questions humanitaires, il est certain que lutter pour la libéralisation des migrations, c’est en réalité favoriser le statu-quo impérialiste. Ce prélèvement est complété par l’exploitation de la force de travail de la périphérie sur place dans les entreprises délocalisées ou sous-traitantes, ce qui permet aussi d’importer des produits de consommation de base, et de diminuer encore davantage la valeur de la force de travail métropolitaine.

    Cette interpénétration de la force de travail entre les marges, la périphérie et le centre de l’Empire facilite le contrôle du personnel politique dans les pays dépendants, par formation, sélection, intimidation, lawfare, corruption, et la création par l’intermédiera des ONG d’un milieu local rémunéré directement ou indirectement, favorable au relai de l’influence de l’Empire, qui oriente leur politique intérieure et qui à l’occasion sert de masse de manœuvre pour des coups d’État, comme en Ukraine en 2014.

    Il y a bien sûr aussi les formes les plus visibles de la perception du tribut par le contrôle économique et militaire direct des approvisionnements en énergie et en matières premières stratégiques (gisements, et voies de communication) La liste des pays ayant fait l’objet d’ingérences militaires ou terroristes depuis un demi siècle est éloquente (Algérie, Irak, Libye, Venezuela, Angola, Iran, Russie …)

    Cette pression militaire directe est complétée par l’utilisation du terrorisme direct ou manipulé pour semer le chaos : cette menace pèse sur tous les pays qui veulent s’affranchir des règles arbitraires de l’Empire – c’est bien le sens de l’attentat de Moscou du 22 mars dont l’inspiration provient sans doute moins d’Ukraine que directement des États-Unis.

    Les sanctions internationales complètent le tableau, avalisées ou non par l’ONU, et leur relai dans l’appareil judiciaire international et extraterritorial, qui si elles échouent lorsqu’elles sont imposées à des pays continents, causent un préjudice considérable et des effets létaux à grande échelle dans des pays plus petits (Corée, Cuba, Venezuela, Iran, Irak, Afghanistan etc).

    Et enfin lorsque tous ces procédés ont échoué à mettre au pas les nations qui rechignent à entrer dans les rangs, l’empire se décide à la guerre directe, qui est clairement annoncée, contre la Chine, l’Iran, la Corée, et qui est commencée contre la Russie.

    Dans la seconde partie, nous expliqueront comment le système impérial est intrinsèquement lié au développement actuel des rapports de production capitalistes.

    GQ, 8 avril 2024, à suivre

     

     

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    Prévisualisation

      

    Source de la compilation :

    Gilles Questiaux va-t-il réinventer le fil à couper le beurre "impérialiste"??? (Suite du débat) - Ciel de France 

    http://cieldefrance.eklablog.com/gilles-questiaux-va-t-il-reinventer-le-fil-a-couper-le-beurre-imperial-a215704359

     

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    Professor Richard Werner - University of Winchester

     

     

          Richard Werner est un économiste hors du commun en ce qu'il ne se réclame d'aucune "école" particulière de la pensée économique moderne. Né en Allemagne il a fait ses études en économie à Londres et Oxford, avec déjà un premier séjour d'étude et de formation au Japon. Devenu rapidement un spécialiste de l'économie japonaise, il y a par la suite vécu et travaillé pendant une dizaine d'années (1994-2004). c'est au cours de cette période qu'il a développé le concept de "Quantitative Easing" (1995), avec l'espoir de voir le Japon, alors frappé d'une cris sévère, renouer avec la croissance.

    Mais son concept, "récupéré", en quelque sorte, par la Banque Centrale du Japon (BoJ) sera aussitôt dévoyé pour servir de base au premier modèle "moderne" d'une économie entièrement banco-centralisée, et qui l'est restée, depuis, devenant le "prototype" des restructurations banco-centralistes dans les autres grandes puissances industrielles, suite à la crise de 2007-2008.

    Suite à ce "dévoiement" Richard Werner a entrepris, dès le début des années 2000 une quasi-croisade pour tenter d'en revenir à une politique monétaire et bancaire d'investissement productif.

    C'est à cette occasion qu'il a notamment rédigé son "best-seller", "Princes of the Yen", y compris au Japon, concernant cet abus de pouvoir de la BoJ et des Banques Centrales en général, en retraçant avec précision l'histoire économique du Japon depuis la 2ème guerre mondiale et son évolution inexorable vers le banco-centralisme. ainsi que le "glissement" de toute une partie de l'économie du Sud-Est asiatique sous la férule de la Fed US! 

    A la suite de ce succès, un film documentaire a même été fait, avec sa participation, sur le thème du livre. Une tranche d'histoire unique et passionnante pour tous ceux qui veulent comprendre les racines de l'histoire de notre XXIème siècle, du Japon à l'Europe, vers la fin du film, qui évoque déjà en 2003 le pouvoir exorbitant de la BCE, en passant, évidemment, par les fourches caudines de la Fed US... 

     

     

    A la suite, un extrait d'un article beaucoup plus récent de Richard Werner, qui décrit on ne peut mieux l'évolution économique banco-centraliste de ce premier quart du XXIème siècle, jusqu'à la naissance actuelle des Monnaies Numériques de Banque Centrale et au danger fatidique pour les libertés, économiques, et les libertés tout court, qu'elles représentent.

    Comme on l'a vu au début, Richard Werner n'est d'aucune "école" économique, sinon de la sienne...: il a développé ses propre concepts dans l'espoir de voir renaître une économie productive fondée essentiellement sur les PME et les dynamiques locales et régionales. Une vision économique qui s'inscrit donc malgré tout dans une mouvance de "résistance" du capitalisme "classique" face au banco-centralisme, avec parfois ce que cela comporte d'utopie par rapport, notamment au cycle de renouvellement du capital fixe, qui est devenu, en quelque sorte, la "base économique" du banco-centralisme, et qui ne pourra être "déboulonnée" que par un contrôle démocratique du crédit, une approche qu'il a néanmoins le mérite d'ébaucher, à l'occasion.

    Luniterre

     

    Une traduction en anglais de son article japonais de 1995, introduisant pour la première fois le terme de "Quantitative Easing":

    Télécharger « Translation_Werner_QE_Nikkei_Sep_1995_final.pdf » 

    https://ekladata.com/WcpOW2RIQuOEt294FjoEe3Rhmbw/Translation_Werner_QE_Nikkei_Sep_1995_final.pdf 

     

    Une copie PDF intégrale de son article de mars 2023, dont un extrait, en traduction française, est republié ci-dessous, après les graphes qui vont avec:

    Télécharger « Central banks are too powerful - RICHARD WERNER - The expert who pioneered QE.pdf » 

    http://ekladata.com/MXoorGlr0OsFMvgJ6a6-A009hz4/Central-banks-are-too-powerful-RICHARD-WERNER-The-expert-who-pioneered-QE.pdf 

     

     

     

     

    Fig1

     Fig2

     

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    Comment la Fed s'est attaquée à la crise financière de 2008 

    La grande récession a commencé par le gel du marché interbancaire, les banques de détail surendettées (après des années de surveillance laxiste de leurs prêts immobiliers) ayant commencé à douter de la solvabilité des autres. Cette situation a été exacerbée par la décision de la Fed, en septembre 2008, de ne pas sauver ou fusionner Lehman Brothers, mais de la laisser faire faillite. L'effondrement spectaculaire des prêts bancaires de détail aux États-Unis qui en a résulté (ligne grise de la figure 2) a entraîné l'éclatement de la bulle immobilière américaine, provoquant une onde de choc économique dans le monde entier.

    Le gel du marché interbancaire a menacé le système bancaire mondial et exigé une action urgente de la part de la Fed et d'autres banques centrales. En réponse, la Fed - sous la direction de son président de l'époque, Ben Bernanke, qui avait déjà participé aux discussions sur la manière de relancer l'économie japonaise en perte de vitesse dans les années 1990 - a partiellement adopté le "vrai" type d'assouplissement quantitatif que j'avais précédemment proposé pour le Japon. Il a donc fallu environ 18 mois pour que les banques de détail américaines relancent leurs prêts, ce qui a entraîné une reprise au bout de six mois.

    La version de l'assouplissement quantitatif de la Fed a consisté à suivre ma recommandation d'acheter des actifs non performants aux banques - en d'autres termes, elle a acheté leurs créances douteuses, assainissant ainsi leurs bilans. Cette mesure n'a pas injecté d'argent frais dans l'économie américaine (1) et n'a donc pas créé de pressions inflationnistes. Mais elle a aidé les banques de détail - celles qui n'avaient pas fait faillite, du moins - à se relever et à être prêtes à reprendre leurs activités normales, mettant ainsi fin au resserrement du crédit après l'explosion des prêts non remboursés.(1)

    En conséquence, les banques de détail américaines émettaient de nouveaux prêts dès 2010 - plus tôt que dans d'autres pays où les banques centrales n'ont pas adopté cette stratégie, mais ont plutôt copié la version de l'assouplissement quantitatif de la Banque du Japon, qui a échoué (2). La figure 2 ci-dessus le montre : l'envolée de la ligne bleue (indice avancé de liquidité de la Fed) en 2009 et le redressement ultérieur de la ligne grise (prêts aux banques de détail) en 2010 ont permis aux États-Unis de sortir de la crise de 2008 en tête des grandes économies.

    Lorsque les experts bancaires ont examiné ce vaste programme d'assouplissement quantitatif entrepris par la Fed à la fin de 2008 et par la suite, beaucoup ont craint qu'il ne conduise au retour de l'inflation. Il n'en a rien été, principalement parce que la création de crédit par les banques de détail s'est considérablement contractée à la suite de l'implosion du marché interbancaire (ligne grise de la figure 2) et parce que la Fed a adopté l'aspect de l'assouplissement quantitatif qui n'augmentait pas la masse monétaire par le biais de nouveaux prêts bancaires (3).

    Ainsi, l'utilisation de l'assouplissement quantitatif par la Fed pour ramener l'économie américaine à la vie a été considérée comme un succès relatif. Au contraire, les médias mondiaux ont réservé l'essentiel de leurs critiques aux dommages causés aux économies par les banques de détail "cupides".

    Cela signifie qu'après ce désastre financier mondial, les banques centrales ont pu tranquillement accroître à nouveau leurs pouvoirs, au nom d'une plus grande surveillance du secteur financier. La Banque centrale européenne a particulièrement bien réussi à étendre ses pouvoirs au cours de la décennie suivante.

    Dans le même temps, l'assouplissement quantitatif a été considéré par certains comme un "remède miracle" contre les futures crises financières. La situation a atteint son paroxysme en mars 2020, lorsque les banquiers centraux ont lancé un programme d'assouplissement quantitatif qui est à l'origine de bon nombre de nos difficultés économiques et sociétales actuelles.

     

    La véritable cause de notre crise inflationniste actuelle 

    En mai 2020, alors que j'effectuais ma dernière analyse mensuelle de la quantité de crédit créée dans 40 pays, j'ai été surpris de constater qu'il se passait quelque chose d'extraordinaire depuis le mois de mars de cette année-là. Les principales banques centrales du monde entier augmentaient considérablement la masse monétaire par le biais d'un programme coordonné d'assouplissement quantitatif.

    Il s'agit de la version de l'assouplissement quantitatif que j'avais recommandée comme deuxième mesure politique au Japon dans les années 1990, à savoir l'achat par la banque centrale d'actifs en dehors du secteur bancaire. Ces paiements ont forcé les banques de détail à créer de nouveaux crédits dans le cadre d'une augmentation massive de la masse monétaire, sans précédent dans l'après-guerre, ce qui a permis aux entreprises et aux institutions financières non bancaires qui avaient vendu à la Fed de bénéficier d'un nouveau pouvoir d'achat.(4)

    Même la Banque du Japon, qui avait affirmé pendant deux décennies qu'elle ne pouvait pas acheter d'actifs à d'autres que les banques, s'est soudainement engagée dans cette opération inhabituelle en même temps que d'autres banques centrales, et ce à grande échelle.

    Les raisons de cette politique coordonnée ne sont pas immédiatement apparentes, bien que certains éléments indiquent qu'elle a été déclenchée par une proposition présentée aux banquiers centraux par la société d'investissement multinationale Blackrock lors de la réunion annuelle des banquiers centraux et d'autres décideurs financiers à Jackson Hole, dans le Wyoming, en août 2019. Peu de temps après, les difficultés rencontrées sur le marché des accords de rachat ("repo") de la Fed en septembre 2019 (5), déclenchées par le géant de la banque privée JP Morgan, pourraient avoir fait pencher la balance.

    Apparemment d'accord avec ma critique selon laquelle une politique fiscale pure n'entraîne pas de croissance économique si elle n'est pas soutenue par la création de crédit, Blackrock avait affirmé à Jackson Hole que le "prochain ralentissement" exigerait des banques centrales qu'elles créent de l'argent frais et qu'elles trouvent "des moyens de mettre l'argent de la banque centrale directement entre les mains des dépensiers des secteurs public et privé" - ce qu'elles appelaient "passer directement", en contournant les banques de détail. La Fed savait que cela créerait de l'inflation, comme l'a confirmé plus tard Blackrock dans un document indiquant que "la Fed s'engage maintenant à pousser l'inflation au-dessus de l'objectif pendant un certain temps".(6)

    C'est précisément ce qui a été mis en œuvre en mars 2020. Nous le savons à la fois grâce aux données disponibles et parce que la Fed, en grande partie sans précédent, a engagé une entreprise du secteur privé pour l'aider à acheter des actifs - qui n'est autre que Blackrock.

    Après avoir "crié au loup" au sujet du risque inflationniste de l'introduction de l'assouplissement quantitatif en 2008, et après plus d'une décennie d'inflation mondiale résolument faible, de nombreux experts bancaires et économiques pensaient que la politique de création de crédit tout aussi agressive de la Fed et d'autres banques centrales en 2020 ne serait pas inflationniste, une fois de plus.(7)

    Cependant, cette fois-ci, les conditions économiques étaient très différentes : il n'y avait pas eu d'effondrement récent de l'offre de monnaie par le biais des prêts bancaires aux particuliers. De plus, la politique différait sur un point crucial : en "passant directement", la Fed augmentait elle-même massivement la création de crédit, la masse monétaire et les nouvelles dépenses.

    Dans le même temps, les mesures COVID imposées par les gouvernements se sont également concentrées sur la création de crédit bancaire. Parallèlement à un blocage sans précédent de la société et des entreprises, les banques de détail ont reçu l'ordre d'augmenter les prêts aux entreprises, les gouvernements garantissant ces prêts. Des chèques de relance ont été versés aux travailleurs licenciés, et les banques centrales comme les banques de détail ont également augmenté leurs achats d'obligations d'État. Les banques centrales et les banques commerciales ont donc augmenté la masse monétaire, dont une grande partie a été utilisée à des fins de consommation générale plutôt qu'à des fins productives (prêts aux entreprises).(8)

    En conséquence, la masse monétaire a atteint des niveaux record. L'indicateur "large" de la masse monétaire aux États-Unis , M3, a augmenté de 19,1 % en 2020, soit la plus forte hausse annuelle jamais enregistrée. Dans la zone euro, la masse monétaire M1 a augmenté de 15,6 % en décembre 2020.

    Tout cela a stimulé la demande, alors que, dans le même temps, l'offre de biens et de services était limitée par les restrictions imposées par la pandémie, qui ont immobilisé des personnes, fermé de nombreuses petites entreprises et affecté certaines chaînes d'approvisionnement. Il s'agissait d'une recette parfaite pour l'inflation - et une hausse significative des prix à la consommation a suivi environ 18 mois plus tard, à la fin de 2021 et en 2022.

    Si elle a certainement été exacerbée par les restrictions COVID, elle n'avait rien à voir avec les actions militaires russes ou les sanctions sur l'énergie russe - et beaucoup à voir avec l'utilisation abusive de l'assouplissement quantitatif par les banques centrales. Je pense que le haut degré de coordination des banques centrales dans l'adoption de cette stratégie d'assouplissement quantitatif, et le lien empirique avec notre période actuelle d'inflation, signifient que leurs politiques devraient faire l'objet d'un examen public plus approfondi. Mais la guerre qui a suivi a brouillé les pistes et détourné l'attention d'importantes questions sous-jacentes.

    Par exemple, les critiques des niveaux sans précédent de la dette nationale dans le monde - les États-Unis à eux seuls doivent aujourd'hui plus de 31 000 milliards de dollars -(9) avertissent depuis longtemps que l'issue probable pour les pays qui sont devenus "accros à l'argent facile" est une voie inflationniste qui érode silencieusement la valeur de cette dette. Mais à quel prix pour le grand public ? (10)

    Parallèlement, la concentration des pouvoirs entre les banques centrales et quelques conseillers privilégiés, tels que Blackrock, a suscité de nombreuses interrogations sur la manière dont l'économie mondiale est contrôlée par quelques personnages clés. L'émergence récente d'une nouvelle forme de monnaie numérique est un autre chapitre potentiellement important de l'histoire de la domination des banques centrales.

     

    Un nouvel outil pour renforcer le contrôle des banques centrales ? 

    Au moment où le gouvernement britannique imposait le premier verrouillage en mars 2020, la Banque d'Angleterre (BoE) publiait son premier grand document de travail (et organisait un premier séminaire public) sur le besoin qu'elle ressentait d'introduire une monnaie numérique de banque centrale. (Il est remarquable de constater que de nombreuses banques centrales ont été stimulées dans leurs projets de monnaies numériques par les concepts de passeport de vaccination numérique COVID qui ont été avancés pendant la pandémie).

    Trois ans plus tard, la BoE a publié un document de consultation, en collaboration avec le Trésor britannique, qui présente "les arguments en faveur d'une monnaie numérique de banque centrale pour les particuliers". Le document explique que :

    "La livre numérique serait une nouvelle forme de livre sterling ... émise par la Banque d'Angleterre. Elle serait utilisée par les ménages et les entreprises pour leurs paiements quotidiens. Elle serait utilisée dans les magasins, en ligne et pour effectuer des paiements à la famille et aux amis."

    Bien que la consultation dure jusqu'au 7 juin 2023, nous sommes déjà informés qu'une livre numérique britannique garantie par l'État sera probablement lancée "plus tard dans la décennie", peut-être dès 2025. 

    Vidéo de la Banque d'Angleterre présentant le concept de monnaie numérique de sa banque centrale.

    En fait, des monnaies numériques sont utilisées depuis des décennies - de type bancaire. Toutefois, comme son nom l'indique, une monnaie numérique de banque centrale (MNBC ) - si elle était largement adoptée - transférerait irrévocablement le contrôle de notre masse monétaire du système décentralisé actuel, basé sur les banques de détail, vers les banques centrales.

    En d'autres termes, les "arbitres du jeu" se préparent à descendre dans l'arène et à proposer des comptes courants au grand public, en concurrence directe avec les banques de détail qu'ils sont censés réguler - un conflit d'intérêts évident. Des États-Unis au Japon, les banques centrales - déjà plus puissantes et indépendantes que jamais - ont exprimé leur désir de créer et de contrôler leurs propres CBDC, en utilisant potentiellement une technologie similaire à celle des crypto-monnaies telles que le bitcoin. Selon moi, cela présente de nombreux risques pour le fonctionnement des économies et des sociétés.

    Contrairement aux crypto-monnaies non réglementées, les CBDC bénéficieraient du soutien et de l'autorité des banques centrales. Lors d'une future crise financière, les banques de détail pourraient avoir du mal à résister à cette concurrence déloyale, les clients transférant leurs dépôts vers les CBDC grâce au soutien de leur banque centrale et de leur gouvernement.

    Le conflit d'intérêts est d'autant plus important que les banques centrales définissent les politiques qui peuvent faire ou défaire les banques de détail (voir les récentes faillites de SVB et de Signature Bank). En outre, les banques centrales semblent être favorables au sauvetage des grandes banques, tandis que les petites banques sont considérées comme non indispensables. (11)

    Certains pays - peut-être même la zone euro - pourraient se retrouver avec un système monobancaire de type soviétique, où la seule banque en ville est la banque centrale. Ce serait désastreux : les fonctions utiles des banques de détail sont de créer la masse monétaire et de l'allouer efficacement par l'intermédiaire de milliers d'agents de crédit sur le terrain dans tout le pays. (11)

    Cette forme d'investissement productif des entreprises, qui crée une croissance non inflationniste et des emplois, est mieux réalisée par le biais de prêts aux petites et moyennes entreprises (PME). Ni les banques centrales ni les crypto-monnaies ne remplissent ces fonctions décentralisées mais cruciales qui sont au cœur du capitalisme prospère, des États-Unis et de l'Allemagne au Japon et à la Chine. (11)

    Mais la concentration accrue des pouvoirs entre les mains des banques centrales n'est pas le seul danger posé par les CBDC. Leur plus grand attrait pour les planificateurs centraux est qu'elles facilitent la "programmabilité" - en d'autres termes, le contrôle de la manière dont un individu est autorisé à utiliser cette monnaie. Comme l'a expliqué Agustin Carstens, directeur général de la Banque des règlements internationaux (qui appartient aux banques centrales) (12), en 2021 :

    "La différence essentielle avec la CBDC [Acronyme anglais pour Monnaie Numérique de Banque Centrale] c'est que la banque centrale exercera un contrôle absolu sur les règles et réglementations qui détermineront l'utilisation de cette expression de la responsabilité de la banque centrale. De plus, nous disposerons de la technologie nécessaire pour faire respecter ces règles."

    Les détracteurs d'une banque centrale pourraient soudainement constater qu'ils ne sont plus autorisés à payer quoi que ce soit - d'une manière qui rappelle la façon dont les camionneurs canadiens protestataires ont été privés de leurs fonds par le gouvernement canadien en février 2022.

    En outre, les planificateurs centraux pourraient théoriquement restreindre les achats à une zone géographique limitée, ou aux seuls articles "corrects" aux yeux des autorités, ou encore à des montants limités - par exemple, jusqu'à ce que vous ayez épuisé votre budget "crédits carbone". L'idée très discutée d'un "revenu de base universel" pourrait servir de carotte pour que les gens acceptent une monnaie électronique centrale qui pourrait mettre en œuvre un système de crédit social à la chinoise et même, à l'avenir, exister sous la forme d'un implant électronique.

    En revanche, un tel contrôle n'est pas possible avec l'argent liquide, aujourd'hui considéré par beaucoup comme un symbole de liberté.

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    SOURCES:

    https://fortune.com/2023/03/20/is-federal-reserve-too-powerful-inflation-quantitative-easing-richard-werner/

    https://theconversation.com/why-central-banks-are-too-powerful-and-have-created-our-inflation-crisis-by-the-banking-expert-who-pioneered-quantitative-easing-201158

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    NOTES:

    (1 - Il y a évidement ici une contradiction dans les propos de Werner. La masse monétaire a nécessairement et évidemment été considérablement augmentée dès les premières mesures de type QE et assimilées, dès 2008. Le fait que cela n'ait pas déclenché d'inflation durant près de deux décennies vient du contexte économique de stagnation, potentiellement récessif, qui a amené la crise de 2007-2008, et qui ne pouvait être surmonté avec une inflation inférieure à 2%, cap initialement visé par les Banques Centrales avec précisément l'augmentation de la masse monétaire.)

    (2 - Richard Werner est le "père spirituel" du concept de "Quantitative Easing", étant le premier à désigner ce type de politique monétaire par ce nom. Il a longtemps travaillé au Japon et c'est là bas qu'il a proposé sa propre formule de cette politique, qu'il estime aujourd'hui avoir été "déformée" et même carrément détournée de ses buts initiaux par la Banque Centrale du Japon (BoJ), qui a servi, néanmoins, de modèle à la plupart des politiques de QE post-crise de 2007-2008, et encore plus, au cours et à la suite de la crise de 2020-2021.)

    (3 - En tant que "père spirituel" du QE Richard Werner tient néanmoins à "défendre", au moins en partie, sa "créature", en s'appuyant sur le "succès relatif", comme il l'évalue lui-même, du QE aux USA, durant la première décennie post-crise de 2007-2008. De sorte qu'il se moque tout de même un peu du lecteur en écrivant: "la Fed a adopté l'aspect de l'assouplissement quantitatif qui n'augmentait pas la masse monétaire par le biais de nouveaux prêts bancaires.", vu que manifestement, la masse monétaire a bien augmenté de façon exponentielle avec les QE post-crise, même si c'est par d'autres biais que celui cité ici par lui...!)

    (4 - C'est le principe même de l'augmentation de la masse monétaire...)

    (5 - A propos de cette crise du "repo", qui est typiquement le début réel de celle de 2020, et précisément suite à une tentative des Banques Centrales, au cours de l'année 2019, de faire un "palier" dans la politique de QE, et même de la "réduire", en ce qui concerne la Fed et la BoE, voir l'étude approfondie parue en 2021:

    Paradoxe et suspense économique en 2021: le Capital atteindra-t-il, ou non, le Nirvana par la Dette Mondiale?

    http://interfrsituation.eklablog.com/paradoxe-et-suspense-economique-en-2021-le-capital-atteindra-t-il-ou-n-a209197288

    Cet épisode de la crise a typiquement laissé une "trace" dans le bilan des Banques Centrales, qui lui-même fait donc un "palier", pour la BCE et la BoJ et marque même une "baisse" momentanée et caractéristique pour la Fed et la BoE:

    Comparaison Fed - BCE:

    BCE:

    En 2023, le contexte inflationniste permet donc une nouvelle tentative de "rétrécissement" notable du bilan des principales Banques Centrales, sans toutefois revenir encore aux niveaux d'avant crise.

    (6 - Devant l'échec des politiques monétaires supposée relever le taux s'inflation autour de 2%, en vue d'éviter la récession, amorcée en fin 2019, les Banques Centrales ont donc opté pour une "politique du choc" qui a été celle de la dite "crise du covid", qui a tout à voir avec un coup de frein brutal à la récession en cours et seulement secondairement un rapport éventuel avec la politique sanitaire, sauf évidemment, au profit de l'industrie pharmaceutique...!)

    (7 - Dans le genre "feu inflationniste" les banquiers centraux sont donc aussi des "apprentis sorciers" incapables de maîtriser correctement, à temps voulu, leur "créature"...)

    (8 - La "crise du covid" a évidemment relancé les "débats" sur la question du "revenu universel", plus ou moins "inconditionnel", et cela a amené un grand nombre de mesure de "soutien économique" pour les salariés inévitablement "payés pour rester à la maison", et qui risquaient évidemment de perdre leur emploi, autrement, ce qui est en quelque sorte une version de la "monnaie hélicoptère" adaptée aux circonstances de cette crise, mais qui n'a pas réellement contribué à relancer l'économie, mais bien plutôt l'épargne, en réaction à l'incertitude du moment.)

    (9 - C'était il y a déjà un an, le chiffre, aujourd'hui, évolue à plus de 34 663 milliards de dollars.)

    (10 - Une "stratégie" à double tranchant et qui n'est réellement fonctionnelle qu'en période de forte expansion de l'économie capitaliste "classique", ce qui n'est plus le cas depuis la fin des "Trente Glorieuses", au tournant des années 60-70 du siècle dernier, en France, par exemple.)

    (11 - Ces trois allusions à la suite montrent bien que Richard Werner en est encore à espérer une "relance" du capitalisme productif "classique", davantage fondé sur les PME que sur les monopoles. D'où son idée et son principe de "décentralisation" et même de "régionalisation" de l'activité bancaire. Malheureusement, l'outil productif moderne est de plus en plus fondé sur une technologie automatisée et robotique qui exige des masses considérables d'investissement en capital fixe, problème qui est à la base même de la naissance et de la formation du banco-centralisme actuel. Le "roulement"-expansion de la dette étant en "correspondance" avec le cycle de renouvellement de ce capital fixe, au détriment de l'investissement productif "humain".)

    (12 -  La "Banque des Règlements Internationaux", ou BRI, est en quelque sorte la "Banque Centrale des Banques Centrales" et surtout une sorte de "creuset" des politiques mondialistes banco-centralistes!)

     

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    Source de l'article et de la compilation: 

    http://cieldefrance.eklablog.com/richard-werner-pere-spirituel-du-quantitative-easing-et-apprenti-sorci-a215699895 

     

     

    Sur le banco-centralisme au Japon, voir aussi:

    Les aventures de la famille Gave dans le monde banco-centralisé - Episode 2

     

    http://cieldefrance.eklablog.com/les-aventures-de-la-famille-gave-dans-le-monde-banco-centralise-episod-a213999631 

    LISTE DE LIENS ARTICLES 

     

     

     

    Récent sur le sujet :

     

    Déficit et dépendance : les marchés financiers attendent les « liquidités » banco-centralisées comme le jardinier attend la pluie… (Et y’a pas sécheresse !)

    http://cieldefrance.eklablog.com/deficit-et-dependance-les-marches-financiers-attendent-les-liquidites—a215610053 

     

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    Le passage du capitalisme « classique » au banco-centralisme impacte-t-il notre vie sociale quotidienne ? Quelques réflexions et éléments complémentaires au débat

    http://cieldefrance.eklablog.com/le-passage-du-capitalisme-classique-au-banco-centralisme-impacte-t-il—a215547035 

     

    ************************************** 

    NOUVEAU :

    Chine-USA, pour le contrôle du Bitcoin, c’est aussi la guerre économique !

    http://cieldefrance.eklablog.com/chine-usa-pour-le-controle-du-bitcoin-c-est-aussi-la-guerre-economique-a215644337 

     

    ************************************** 

    Pour aller plus loin sur la formation du banco-centralisme :

    Cinq différences essentielles entre l’époque de Marx et la nôtre (Nouvelle édition)

    http://cieldefrance.eklablog.com/cinq-differences-essentielles-entre-l-epoque-de-marx-et-la-notre-nouve-a215228819 

     

    ************************************** 

    Pour simplement aborder la réalité du contexte actuel de la transition vers le banco-centralisme:

    Fini 2023, baptême de 2024 : deux gouttes d’eau ou deux gouttes de sang ?

    http://cieldefrance.eklablog.com/fini-2023-bapteme-de-2024-deux-gouttes-d-eau-ou-deux-gouttes-de-sang-a215224737 

    Avec une réédition du livre de Lénine, « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme », en ligne à la suite de l’article, au format PDF téléchargeable.

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    Le siège de la BCE à Francfort

    Richard Werner, "père spirituel" du Quantitative Easing et "apprenti sorcier" du banco-centralisme

     

     

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